"Dans le fond, un texte obscurcit cette immense portion du monde auquel il ne s'intéresse pas ; et il la recouvre d'une couche de plâtre ; aux images que nous avons du monde, il substitue celles, propres et exclusives, de son univers possible, de sorte qu'avec beaucoup d'attention et un grand effort de l'esprit, elles s'impriment [sic] et dominent dans notre imagination. Cela fonctionne mieux encore si nous lisons le texte (ou le regardons, si c'est un texte visuel) comme si nous nous isolions avec lui et en lui "dans les ténèbres et dans la quiétude de la nuit", de sorte que "l'idée vive et intense" des nouvelles images "chasse les premières Idées". Un texte, dans la mesure où il nous absorbe, fait place nette du monde qui existait avant lui, dont il ne parle pas, auquel il ne fait aucune référence, comme si son discours était "une grande tempête de vents, de grêles, de poussières, qui ruine et inonde maisons, temples et lieux, qui confonde toute chose", comme s'il était, par rapport au monde extérieur, "un Homme ennemi... [qui] avec un groupe de compagnons armés, entre et passe impétueux à travers les Lieux, et avec des fouets, des bâtons et des armes chasse les idoles, frappe les personnes, fracasse les images, fasse fuir par les portes et sauter par les fenêtres tous les animaux et les personnes mobiles qui étaient dans les lieux" ; et qu'il nous présente à la fin un autre univers, à sa façon..."
Extrait de : De l'arbre au labyrinthe - Etudes historiques sur le signe et l'interprétation, Umberto Eco, Grasset éd., Biblio essais "le Livre de Poche", p. 138.
Dans le contexte du passage de l'édition imprimée à l'édition numérique, le rapport au texte, et notre rapport de lecteur à la lecture du texte et du contexte, sont remis en question.
Et si nous lisions ce contexte du passage de l'édition imprimée à l'édition numérique comme s'il s'agissait d'un texte ?
(C'est au fond ce que j'essaye de faire avec la prospective du livre et de la lecture.)
Je tiens à anéantir le contexte dans mes écrits. Mais le contexte monte de ses propres cendres, un phénix qui a été nettoyé des prédispositions du lecteur, et de l'auteur.
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