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jeudi 16 mars 2023

Des Allégories de la Lecture...

Des livres, dans le sens de "des lectures", peuvent être des allégories de... la lecture, de ce qui est en jeu lors de notre lecture d'une fiction littéraire.

Cette espèce de métonymie, cette espèce d'espace de la métonymie (dire "des livres" pour dire "des lectures") peut, doit nous interroger, car elle a "à voir" avec notre espace intérieur de lecteur ou de lectrice. Elle nous donne à voir aussi car il y a un réel qui se donne dans les mots.

J'ai eu récemment le plaisir d'intervenir sur ce thème pour une conférence publique à l'invitation de la bibliothèque Mohammed Arkoun de la Ville de Paris.
Mais de nombreuses voies sont possibles pour partir à la découverte des mystères et des bienfaits de la lecture, et pour progresser dans notre compréhension des rapports subtils entre fiction et réalité.
 
Ces réflexions sur la lecture immersive, le sentiment de "traversée du miroir" par les lectrices et les lecteurs de romans, peuvent s'entreprendre, par exemple, à partir de l'oeuvre et de la vie de Stendhal, ou bien, à partir de la dimension chamanique de Marcel Proust et de sa Recherche (j'ai plusieurs fois eu le bonheur d'intervenir dans cette perspective...).
Le roman posthume et inachevé Le Mont analogue de René Daumal peut être lu, et donc présenté à un public, comme une allégorie de la lecture. Probablement aussi Mardi de Herman Melville. Tout comme Le Jeu des perles de verre de Hermann Hesse. D'autres encore...
Au 15e siècle, par exemple, des représentations (donc des lectures) de l'Annonciation prirent la forme étrange de chasses mystiques à la licorne, ou bien d'une Annonciation sans annonciateur visible.
Elles aussi étaient en vérité des allégories de la lecture et peuvent donner lieu à des présentations richement illustrées.
 
Cette multiplicité d'approches possibles pour élucider notre nécessaire travail d'interprétation des textes et de ce que nous projetons de nous dans leurs mondes fictionnels permet une grande variété et une grande souplesse d'approches, d'une vulgarisation au grand public à des auditoires plus avertis des enjeux de la narration et des effets de la mise en récits du monde.

Mais vous vous demandez peut-être encore pourquoi travailler ainsi à une meilleure prise de conscience de nos lectures ? 
 
Au moins pour deux raisons :
- La première, parce que les environnements et les situations dans lesquels nous nous immergeons quand nous sommes plongés dans la lecture d'un roman peuvent agir comme des "bacs à sable", des "bancs d'essai", des modélisations, des laboratoires... Nos lectures peuvent nous aider, dans le sens où la littérature nous ouvre à la possibilité d'un dialogue avec d'autres instances psychiques que nos habituels interlocuteurs humains (anthropomorphes les personnages de fictions sont autres pourtant...).
- Ensuite et corollairement, parce que la fiction peut nous donner accès à d'autres déclinaisons du réel.
 
N'hésitez pas à me contacter si ces questions autour de la lecture et de ses enjeux vous intéressent...


vendredi 18 novembre 2022

Au-delà Proust au-delà...

Nous sommes le 18 novembre 2022. Marcel Proust est mort le 18 novembre 1922. Autant dire hier. Cent ans qu'est-ce d'autre, en effet, que deux fois cinquante ans, ou même seulement quatre fois vingt-cinq ans ? C'est peu. Lui et nous aurions presque pu être contemporains.

Pourtant, en apparence, le monde et notre rapport à lui, ont tellement changé ! A quelle vitesse changeons-nous ? Le monde extérieur change, mais intérieurement (psychiquement, mentalement, moralement, spirituellement...) changeons-nous ?
 

Toute cette année 2022 aura été traversée par un flux continu prousto-centré. Avec du bon et du moins bon, du commercial. Mais toujours replié sur le passé, l'oeuvre gravée au panthéon de la littérature, ou sinon parfois avec une malsaine curiosité sur l'intimité de l'individu ayant porté le nom de. Mais qu'est-ce que porter un nom, et au-delà l'état civil quel est, pour chacune et chacun de nous, notre nom véritable ?
 

Pour ma part, si je me suis refusé à devenir proustien, je l'ai cependant lu et relu attentivement et, en écho à ma propre recherche sur la lecture immersive, le sentiment de traversée du miroir chez les lectrices et les lecteurs de romans, j'y ai trouvé tout au long de nombreuses, pertinentes et perspicaces observations sur l'objet de MA recherche.
L'au-delà de Proust, l'expérience de la lecture au-delà la lecture de Proust est pour moi un miroir dans lequel souvent je porte un regard critique sur mes réflexions. (Mais qu'est-ce que porter un regard sur soi ?)

Au fil des ans j'en ai sommairement formulé quelques aspects sur ce blog, mais je suis toujours à votre disposition pour des conférences ou autres interventions pour essayer ensemble d'aller par Proust... au-delà de Proust.

jeudi 27 octobre 2022

Un croche-pied à Stendhal

"Eh, monsieur, un roman est un miroir qui se promène sur une grande route." Ainsi nous interpelle Stendhal dans Le Rouge et le Noir.

Certes, dans cette nouvelle conférence (il s'agit de cela), nous recontextualiserons d'abord l'affirmation dans le texte du roman et nous prendrons la mesure du fait que l'auteur voudrait peut-être bien là nous donner également à penser qu'il écrirait aussi spontanément que nous lisons.

Mais, et nous en viendrons vite à cet essentiel là, nous nous interrogerons surtout pour déterminer si en fait lire un roman ne serait pas comme regarder dans un miroir qui serait promené sur une grande route ?
Alors qu'adviendrait-il si nous détournions le regard ?

Rapidement nous envisagerons donc cette apostrophe, "Eh, monsieur...", comme une invitation à une possible définition du roman pouvant nous amener à affiner de notre côté une nouvelle définition de la lecture expérientielle, une lecture fondée sur l'expérience de nos lectures antérieures et sur la connaissance que nous pouvons déjà avoir des mondes fictionnels et de leur fréquentation.

Nous ferons ainsi virtuellement un croche-pied à notre ami Stendhal pour que le miroir tombe sur la grande route et se brise en mille morceaux.

Evidemment, chaque bris de miroir continuera impunément à refléter l'intégralité de la scène fictionnelle. Mais refléter n'est pas réfléchir. Ce sera à nous de réfléchir, à fléchir pour passer la porte basse qui nous permettrait le passage à un autre monde.
Nous n'aurons pas le temps d'examiner toutes les facettes qu'une telle approche convoque (Le Monde sur le fil de Rainer Werner Fassbinder, L'invention de Morel d'Adolfo Bioy Casares, L'année dernière à Marienbad d'Alain Robbe-Grillet et d'Alain Resnais...),  mais nous nous attarderons sur quelques-unes, quelques autres.
Par exemple, les dispositifs optiques mis au point au 17e siècle par Claude Gellée, dit Le Lorrain, dans lesquels nous pourrons voir une subtile métaphore des terres de fictions. Mais aussi différents syndromes étrangement liés à notre ami précisément, comme le syndrome de Stendhal, le syndrome de Brulard, le syndrome de Paris..., qui ne sont pas sans pouvoir rappeler les esthésies temporelles, véritables expériences spatio-temporelles de Marcel Proust. A plusieurs reprises Proust emploie dans Le Temps retrouvé le terme d'extra-temporel. Nous évoquerons tout cela...

En résumé, à partir de ce "Eh, monsieur, un roman est un miroir qui se promène sur une grande route." cette conférence illustrée, ce petit voyage ensemble, nous permettra d'approfondir notre sensibilité à la lecture immersive de fictions littéraires et au sentiment de "traversée du miroir" que nous pouvons parfois spontanément expérimenter quand nous sommes comme captivés par la lecture d'un roman.
N'hésitez pas à me contacter si vous êtes intéressés...

jeudi 18 novembre 2021

Proust et la jeune Alice...

Qu'est-ce que lire ? C'est voir quelque chose qui fait voir autre chose. 
 
Entre ce "quelque chose" lu, et, cet "autre chose" vu mentalement, il y a donc une certaine distance, et, dans un premier temps, nous pourrions donc émettre l'hypothèse suivante que ce serait cette distance virtuelle qui serait celle mentalement parcourue par la lectrice ou le lecteur de fictions littéraires lorsqu'ils se retrouvent "immergés" dans le monde de ce qu'ils sont en train de lire, dans la posture de lecteur telle que l'évoque à plusieurs endroits de sa Recherche Marcel Proust, par exemple lorsqu'il se remémore dans Du côté de chez Swann : "l’espèce d’écran diapré d’états différents que, tandis que je lisais, déployait simultanément ma conscience", ou bien encore quand il parle de "cristal successif ". 
N'aurions-nous pas là en effet, chez Proust, des mots cherchant à exprimer ce qui serait de l'ordre d'une traversée du miroir lors d'une lecture immersive ?

Je propose donc une approche rationnelle, s'appliquant dans un premier temps à rapprocher différents extraits de fictions littéraires de cette définition : "Lire c'est voir quelque chose qui fait voir autre chose". 

L'idée sous-jacente est d'imaginer d'éventuelles relations entre l'expérience d'un corps physique traversant un obstacle matériel et la possibilité de métaphores pour nous aider à concevoir le voyage immobile que font les lectrices et les lecteurs.

Nous pouvons penser évidemment à la nouvelle fantastique de Marcel Aymé, Le Passe-muraille, l'histoire de Monsieur Dutilleul, un petit employé qui découvre incidemment qu'il peut passer à travers les murs. Mais aussi à la jeune Alice de Lewis Carroll autour de laquelle se sont cristallisées plusieurs facettes de mes recherches sur les métalepses.

En fait, je postule que la muraille invisible que nous traverserions lorsque nous lisons un roman serait précisément le langage. Ce serait ce langage qui dans la vie quotidienne médiatise notre expérience immédiate du monde et vient faire écran et qui là, dans le processus de lecture d'une fiction littéraire, jouerait comme une sorte de miroir magique. 
 
Si poursuivre ces réflexions sur la lecture immersive vous intéresse je vous propose une rencontre pour une conférence-débat richement illustrée, et, vous le verrez, très documentée et rigoureusement argumentée. Qu'en pensez-vous ?

mardi 16 novembre 2021

Une machine pour voyager dans le temps ?

Une machine pour voyager dans le temps ?
Ne serait-il pas temps de nous débarrasser de notre ethnocentrisme et des réflexes racistes que nous pourrions encore avoir concernant la nationalité et la vêture des chamans ? 
 
Concrètement, un chaman est un humain qui peut voyager en esprit dans plusieurs strates spatio-temporelles du monde physique tel qu'il apparaît illusoirement de prime abord à celles et ceux qui ne sont pas chamans. 
 
Objectivement, même si son folklore est bien différent de nos idées reçues, pour quiconque l'a véritablement lu, Marcel Proust peut donc être considéré comme un véritable chaman. 
 
Pour ma part, lecteur attentif de Proust j'avais en 2008 participé à l'aventure du Baiser de la Matrice de Véronique Aubouy au Théâtre Paris Villette via mon avatar en duplex depuis La Bibliothèque Francophone de Second Life dans le métavers.
En février 2011 j'étais revenu sur cette expérience à la Maison des Métallos (établissement culturel de la Ville de Paris). 
En aout 2012 j'avais cherché une première fois à formuler mon expérience personnelle de la lecture de Proust dans le texte : La lecture immersive selon Proust, ou "Cette impression de rêve que l'on ressent à Venise"
Enfin, en 2018, j'ai pour la première fois exposé dans le cadre d'une séance du séminaire Ethiques et Mythes de la Création de l'Institut Charles Cros, sur le thème : Écritures secrètes et lectures littéraires du chamanisme, ma vision, subjective mais très sérieusement argumentée et étayée de citations fidèles issues des sept tomes de La Recherche, à savoir : Marcel Proust était un chaman
Le texte de cette communication de 2018 est toujours accessible ici : Marcel Proust, du chaman au fictionaute. Cette année, la revue Viabooks dans le cadre du 150e anniversaire de la naissance de Marcel Proust, s'en est fait l'écho sous le titre : Et si le rêve chez Marcel Proust relevait d'une fonction chamanique ?  
 
Depuis 2018 j'ai moi-même progressé dans ma découverte de ces territoires, proustiens et autres, et aujourd'hui, à la lumière du temps passé et de l'avancée de mes recherches sur le sentiment de "traversée du miroir" des lectrices et des lecteurs de fictions littéraires, je suis en mesure d'aller plus loin avec vous et de vous montrer le chemin pour vivre votre lecture de Proust comme une authentique relation chamanique. 
 
Si l'expérience vous tente n'hésitez pas à me contacter pour organiser une conférence d'un commun accord en fonction de votre structure et de votre auditoire...

mercredi 29 septembre 2021

Conférence Lire Proust Autrement

La lecture de Proust comme voie chamanique...
Lecteur de Proust j'avais en 2008 participé à l'aventure du Baiser de la Matrice de Véronique Aubouy au Théâtre Paris Villette via mon avatar en duplex depuis La Bibliothèque Francophone de Second Life dans le métavers.
En février 2011 j'étais revenu sur cette expérience à la Maison des Métallos (établissement culturel de la Ville de Paris).
Enfin, en 2018, j'ai pour la première fois exposé dans le cadre d'une séance du séminaire Ethiques et Mythes de la Création de l'Institut Charles Cros, sur le thème : Écritures secrètes et lectures littéraires du chamanisme, ma vision subjective, mais sérieusement argumentée et étayée de citations fidèles issues des sept tomes de La Recherche : Marcel Proust était un chaman
Le texte de cette communication de 2018 est toujours accessible ici : Marcel Proust, du chaman au fictionaute. Cette année, la revue Viabooks dans le cadre du 150e anniversaire de la naissance de Marcel Proust, s'en est fait l'écho sous le titre : Et si le rêve chez Marcel Proust relevait d'une fonction chamanique ?  
 
Aujourd'hui, à la lumière du temps passé et de l'avancée de mes recherches sur le sentiment de "traversée du miroir" des lectrices et des lecteurs de fictions littéraires, je suis en mesure d'aller plus loin qu'en 2018 et de vous montrer le chemin pour vivre votre lecture de Proust comme une relation chamanique. 
Cela vous tente ? Contactez-moi pour organiser cette conférence d'un commun accord en fonction de votre structure et de votre auditoire...

vendredi 9 avril 2021

Un autre regard sur Proust !

En marge de l'actualité autour de Marcel Proust le magazine en ligne ViaBooks se fait l'écho d'une de mes conférences passées à l'Institut Charles Cros dans le cadre du séminaire EMC - Ethiques et Mythes de la Création.
Porter un autre regard sur Proust, le lire attentivement, trace de nouvelles perspectives, ouvre de nouveaux horizons à nos réflexions sur la lecture immersive et le rapport entre réalité et fiction. Je peux venir vous en parler si vous le voulez...

 Proust et Lorenzo Soccavo sur ViaBooks

 


G
M
T
Fonction Sound est limitée à 200 caractères

mercredi 3 février 2021

Sur l'immersion fictionnelle | Mr. Dutilleul et la jeune Alice

Qu'est-ce que lire ? Lire c'est voir quelque chose qui fait voir autre chose.
Entre ce "quelque chose", et, cet "autre chose", il y a donc une certaine distance et dans un premier temps nous pourrions émettre l'hypothèse suivante :
- ce serait cette distance virtuelle qui serait mentalement parcourue par la lectrice ou le lecteur de fictions littéraires pour qu'ils se retrouvent "immergés" dans le monde de ce qu'ils sont en train de lire, dans la posture de lecteur telle que l'évoque à plusieurs endroits de sa Recherche Marcel Proust, par exemple lorsqu'il se remémore dans Du côté de chez Swann : "l’espèce d’écran diapré d’états différents que, tandis que je lisais, déployait simultanément ma conscience", ou bien encore quand il parle de "cristal successif ". N'aurions-nous pas là chez Proust des mots cherchant à exprimer ce qui serait de l'ordre d'une traversée du miroir ?  

Je propose donc une approche rationnelle s'appliquant dans un premier temps à rapprocher des extraits de fictions littéraires de la définition "Lire c'est voir quelque chose qui fait voir autre chose", dans le but d'envisager la relation de l'expérience d'un corps physique qui traverse un obstacle matériel comme une possible métaphore du voyage immobile que font les lectrices et les lecteurs.

Nous pouvons penser évidemment à la nouvelle fantastique de Marcel Aymé, Le Passe-muraille, l'histoire de Monsieur Dutilleul, un petit employé qui découvre incidemment qu'il peut passer à travers les murs, mais c'est à partir d'une fresque de street-art de la jeune Alice de Lewis Carroll que se sont cristallisées plusieurs facettes de mes recherches sur les métalepses. Alice ici semble apparaitre à la surface du mur comme si elle venait de le traverser.

Je postule que cette muraille que nous traverserions lorsque nous lisons un roman serait le langage, ce langage qui dans la vie quotidienne médiatise notre expérience immédiate du monde et vient faire écran et qui là, dans le processus de lecture d'une fiction littéraire, jouerait comme une sorte de miroir magique.
Je vous propose de se rencontrer autour de ce postulat pour une conférence-débat* richement illustrée et, vous le verrez, très documentée et rigoureusement argumentée.
Qu'en pensez-vous ?

N.B. Illustrations | Photos D.R. Céline Mounier, janvier 2021 Paris 13e, graffeur Azel.
A lire de Céline Mounier sur le site des Arts Foreztiers : Aimer les furtives...

* En présentiel ou en visioconférence, vous pouvez également télécharger librement le PDF du Catalogue 2021 de mes conférences et formations.

jeudi 17 septembre 2020

Avoir conscience de son fictionaute est possible !

Comment définir la part subjective de soi que nous projetons spontanément dans nos lectures de fictions littéraires ?
Prendre davantage conscience de ce que j'appelle notre Fictionaute pourrait nous ouvrir des portes insoupçonnées vers l'exploration de mondes imaginaires. Comme nous explorons nos rêves, explorons donc aussi, non pas seulement les textes, mais les effets de nos lectures et leur potentiel créatif, voire démiurgique. 

Proust sera un bon guide, mais je pourrais aussi vous présenter différentes expériences de pensée pour conscientiser son fictionaute. Comme les six autres conférences de ce cycle, le contenu de celle-ci est entièrement adaptable et personnalisable en fonction de vos attentes, de votre structure et de vos publics.

Comment devenir des fictionautes conscients par Lorenzo Soccavo
Fiche IV extraite du catalogue de conférences téléchargeable en suivant ce lien ...

lundi 18 mai 2020

Voyager dans les Livres

Lorenzo_Soccavo_Mai-2020
A l'occasion du séminaire-marathon du 1er mai organisé dans le cadre des Rencontres Scénographies et Technologies S&T#3 par Franck Ancel, j'ai pour la première fois abordé en public les conditions de la découverte de mon fictionaute et présenté un modèle d'expérience de pensée potentiellement reproductible par d'autres lecteurs et lectrices.
Je dispose de plusieurs autres modèles d'expériences de ce type et je suis à l'écoute de toutes structures pour venir les présenter et les tester en groupe.
 
Voici en attendant ci-dessous une version abrégée de ma présentation du 1er mai au séminaire S&T#3.
 
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Lecture littéraire et expérience en pensée


La proposition est la suivante :

– Les fictions littéraires jouent en nous comme des espaces mémoriels, lesquels espaces mémoriels peuvent devenir des laboratoires de nos vies.

– L'espace imaginaire et l'imagerie mentale de nos lectures nous confrontent à d'autres facettes de "la réalité".

– Conscientiser puis autonomiser son fictionaute, la part subjective de soi que lectrices et lecteurs projettent spontanément dans ces espaces imaginaires, ouvrirait la voie à un art de la mémoire confinant à la métaphysique et nous rapprocherait affectivement des formes d'intelligences artificielles que sont les personnages de fictions littéraires.

Qu’est-ce que j’entends par lecture littéraire ?

Simplement la lecture de textes littéraires, c’est-à-dire de textes répondant à l’évocation qu’en faisait Marcel Proust dans Jean Santeuil dans lequel il approchait assez clairement la qualité première de la relation singulière de ce que j’appellerais les liens de connivence entre le Monde-monde et les mondes littéraires : « ce qu'il y a de réel, écrit Proust, dans la littérature, c'est le résultat d'un travail tout spirituel, quelque matérielle que puisse en être l'occasion [...] une sorte de découverte dans l'ordre spirituel ou sentimental que l'esprit fait, de sorte que la valeur de la littérature n'est nullement dans la matière déroulée devant l'écrivain, mais dans la nature du travail que son esprit opère sur elle. » (Quarto Gallimard, 2001, p.335).

Le texte littéraire serait le produit d’un travail de notre esprit sur le réel. Ce travail serait une sorte d’alchimie, de transmutation des éléments bruts du quotidien sous l’effet d’un révélateur spirituel ou sentimental (ces termes sont ceux employés par Proust) qui en ferait, c’est la lecture que moi j’en fais, ressortir deux dimensions essentielles cachées : l’esthétique (liée au sentiment du beau), et l’éthique (liée à la perception morale du bien).

La lecture littéraire est ainsi à entendre dans mes propositions comme la lecture d‘un texte qui serait le fruit d’un travail spirituel dans une double dimension esthétique et éthique.

Qu’est-ce que j’entends par expérience de pensée ?

Une expérience de pensée, plus précisément une expérience en pensée, est la conduite d’une expérimentation par la puissance de l’imagination, soit parce qu’il ne serait pas possible de réaliser concrètement l’expérience dans le monde physique, soit parce que l’expérimentation vise une observation ou un changement d’état intérieur, soit enfin que l’objet de l’expérimentation est au niveau de l’exploration d’un monde non physique.

Qu’est-ce que j’entends par Intelligence Fictionnelle ?

Enfin, dire que : « Les fictions littéraires jouent en nous comme des espaces mémoriels », c’est avancer l’idée des fictions comme lieux de mémoire, comme si ce qui s’y jouait pouvait faire écho, entrer en résonance ou bien se trouver en ressemblance avec la propre histoire de la construction de l’identité personnelle des lectrices et des lecteurs.

Sur ce lien entre espace fictionnel et art de la mémoire il faudrait évidemment développer. Par exemple à partir du roman L'Invention de Morel de l'écrivain argentin Adolfo Bioy Casares (1940) [il s’agirait alors d’IA faibles] et de L'Année dernière à Marienbad, tant le film d’Alain Resnais (1961) que le scénario d'Alain Robbe-Grillet [il s’agirait alors d’IA fortes]. Nous pourrions alors nous demander si nous pourrions parler d’IF, d’Intelligence Fictionnelle ? Pourrait-on parler d’intelligences fictionnelles au sujet des personnages de fictions littéraires ?

Le livre laboratoire de pensée

Le livre qui a été pour moi le laboratoire de pensée dans lequel j'ai pu découvrir mon propre fictionaute est La Montagne magique de Thomas Mann, relu une quinzaine de fois dans sa traduction originelle par Maurice Betz. La traduction de 2016 par Claire de Oliveira pour les éditions Fayard a marqué un coup d'arrêt. Cet accident de parcours m'a permis de réfléchir sur ce que les différences de traduction d'un même texte peuvent avoir comme effets sur l'imagerie mentale d'un lecteur et sur sa réception subjective d’un texte.

En résumé La montagne magique relate le séjour dans un sanatorium de montagne d'un jeune homme délicat nommé Hans Castorp, lequel à l'été 1907 vient rendre une simple visite de courtoisie de trois semaines à son cousin malade, mais qui finalement ensorcelé par les effets conjugués de l'altitude et de l'emploi du temps millimétré des journées restera en fait sept ans, jusqu'à ce que l'éclatement de la Première Guerre mondiale l'arrache à cet enchantement pour le confronter à la cruauté du monde.

L’expérience

Pour notre expérience je propose l’analyse d’une courte scène du début du roman, celle de l'arrivée de Hans, en partant du principe que si je pouvais vraiment me projeter dans le monde de ce livre je voudrais absolument pouvoir assister personnellement à son arrivée au sanatorium.

D’abord le texte de cette scène dans sa traduction par Maurice Betz, puis ensuite le même passage dans sa traduction par Claire de Oliveira, et enfin toujours la même scène mais telle qu’elle est vécue par mon fictionaute projeté et immergé dans l'action.

L’idée sous-jacente est que je serais arrivé au sanatorium la veille de Hans Castorp et que j’aurais donc pris une journée d’avance sur l’horloge interne de la narration.

Le je qui s’exprime alors dans cet extrait est mon propre je, c’est moi, Lorenzo Soccavo qui suis arrivé la veille au sanatorium du Berghof en l’an 1907. Le narrateur devient ici une projection du lecteur : c’est mon fictionaute qui parle.

Pour des voyages littéraires de ce type nous pourrions peut-être parler d’autofictions métaleptiques. Une métalepse étant une sorte de glissement ou de trébuchement, comme un lapsus, qui nous transporterait au-delà d’une limite, comme l’indique le préfixe méta.

Nous devrions aussi en imaginer les différentes conséquences possibles à la manière de Borges : les exemplaires imprimés de La montagne magique seraient-ils modifiés par l’intrusion d’un lecteur dans le contexte de l’histoire, etc.

Au-delà cette expérience où l’autonomie est conférée au fictionaute, nous pourrions concevoir des expériences de pensées dans lesquelles ce serait les personnages de la fiction qui acquerraient une certaine autonomie.

Ce point nous amène à revenir pour conclure sur la question de l’intelligence artificielle. Les personnages de fictions littéraires concentrent sur eux une masse de données qui leur donnent consistance et crédibilité et leur confère une certaine densité vibratoire sur la psyché des lecteurs, là où le monde possible de la fiction se refléterait pour faire lieu.

Nous pourrions à partir du postulat suivant :

- les personnages de fictions littéraires sont généralement des créatures anthropomorphes qui ne vivent pas vraiment sur Terre, en conséquence de quoi nous pouvons les considérer comme des extraterrestres avec lesquels nous pourrions potentiellement entrer en contact,

penser qu’à moyen terme une technologie d'intelligence artificielle favorisant le développement de créatures bio-digitales pourra faire des personnages de romans des vivants presque comme nous.

lundi 26 août 2019

Jeffrey Epstein vs Van Veen, réalité vs fiction

Source - Jamie Keenan
[ La dernière actualisation de ce texte date du jour palindromique 02-02-2020, en le lisant vous comprendrez le sens de ce détail... La paréidolie de sa première illustration ci-contre nous invite à nous interroger sur ce que c'est que percevoir, sur ce que c'est que lire...]
  
Ce qui est appelé par les médias L'affaire Epstein pourrait nous apporter un éclairage intéressant sur les relations énigmatiques entre réalité(s) et fiction(s) si nous la mettions en résonance avec l'œuvre de Vladimir Nabokov.
Bien sûr là vous pensez aussitôt à Lolita !
Et vous avez tort. 
    
Certes, ce roman célébrissime, en partie parce que le scandale lui a été profitable à la fin des années 1950, a mailles à partir avec le contexte de cette affaire et ce qu'il s'y trame en filigrane. Le différend est entre les faits et les fantasmes.
Certes, Lolita aurait été inspiré à Nabokov par une "histoire vraie" (sic) - voilà d'ailleurs une expression sur laquelle il serait intéressant de réfléchir : une histoire vraie.
La "vraie Lolita" donc se serait appelée dans la réalité, ce que certain·e·s appellent la "vraie vie" des "vrais gens", Sally Horner (voir The real Lolita de Sarah Weinman, et Le fait divers qui inspira Lolita). Traduit par Isabelle Chapman le livre sort en français en octobre 2019 aux éditions du Seuil (Lolita la véritable histoire, sous-titré : "L'affaire qui a inspiré le chef-d’œuvre de Nabokov"). 
   
Certes, le mot même de Lolita est devenu un nom courant dans la vie de tous les jours. Absent de la plupart des dictionnaires "traditionnels", il figure au Wiktionnaire avec comme étymologie : "Antonomase de Lolita héroïne du roman homonyme de Vladimir Nabokov paru en 1955 " (une antonomase étant en rhétorique : une "Figure qui consiste à mettre un nom commun ou une périphrase à la place d’un nom propre ou un nom propre à la place d’un nom commun. Par antonomase, on appelle Paris « la Ville lumière »." pour le Dictionnaire de l'Académie française), comme définition, je cite : "Adolescente ou jeune femme qui plait de par son extrême jeunesse" (Wiktionnaire), et comme synonyme : nymphette, dont la définition ("Pré-adolescente sexualisée par le regard d’un homme mûr, le nympholepte.") et les sens apparentés sont davantage en rapport avec la réalité de... la fiction, et du coup de la réalité tout court. 
   
Ce glissement et cette contamination seraient-ils le signe d'une forme subtile de métalepse, un débordement de la fiction dans notre vie quotidienne ? C'est depuis le début des années soixante que nous voyons des lolitas dans les rues.
Certes enfin, il y a la parution récente du Journal de L. 1947-1952, de Christophe Tison aux éditions Goutte d’Or. Journal fictif tenu par Dolores Haze, en fait le nom de la véritable héroïne aux multiples surnoms (Lo, Lola, Dolly) du roman de 1955, Lolita étant le surnom qui lui est donné par le personnage fictif d'Humbert Humbert, et donc indirectement pouvons-nous penser par l'auteur Nabokov lui-même. 
C'est là un cas de transfictionnalité parmi d'autres, comme le Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud (2013 aux éditions Barzakh en Algérie et 2014 chez Actes Sud en France) ou pour rester dans notre sujet la transfictionnalité en filigrane de Serge Gainsbourg dans son album-concept de 1971 Melody Nelson ("Sa lecture, quelques années plus tôt, du Lolita de Nabokov l'a profondément marqué, moins pour la nymphette que le récit met en scène que pour l'homme d'âge mûr qui s'en éprend." Source) . 
   
Alors que se passe-t-il ? 
  
Dans la réalité la puissance fantasmatique de Lolita brouille la réception de l'ensemble de l’œuvre, plus complète et plus complexe, de Nabokov. 
Ce qu'il se passe c'est qu'en général, tant la réception des œuvres que celle des actualités (comme l'on disait naguère) est parasitée par la nature humaine sur laquelle la force d'attraction du vice est souvent supérieure à celle de la vertu. Force est de le reconnaitre. (Que voyez-vous dans l'illustration de tête de ce post, cette couverture de Lolita ?) 
   
Déjà, dans l’œuvre de Nabokov, La défense Loujine (1930) mettait en scène le mariage d'une jeune fille avec un vieux pervers narcissique joueur international d'échecs.
Mais les racines du Lolita de 1955 se trouvent en fait dans un autre roman de Nabokov, L'Enchanteur, écrit en 1939 (sa "première palpitation" aurait dit l'auteur), mais édité à titre posthume en 1986 seulement (en France traduit par Gilles Barbedette pour les éditions Rivages). 

Nabokov en personne s'est clairement exprimé sur le contre-sens des lecteurs et des médias sur le personnage de Lolita : "Lolita n'est pas une jeune fille perverse. C'est une pauvre enfant que l'on débauche et dont les sens ne s'éveillent jamais sous les caresses de l'immonde monsieur Humbert, à qui elle demande : "Est-ce qu'on va toujours vivre comme ça en faisant toutes sortes de choses dégoutantes dans des lits d'auberges ? " ..." [1975 Video INA]. 
  
Dans son livre témoignage, Le Consentement (Grasset, janvier 2020) qui a lancé l'affaire Matzneff, Vanessa Springora écrit à ce propos : "Dans Lolita, le roman de Nabokov, que j’ai lu et relu après ma rencontre avec G., on assiste au contraire à des aveux confondants. Humbert Humbert écrit sa confession du fin fond de l’hôpital psychiatrique où il ne tardera pas à mourir, peu avant son procès. Et il est loin d’être tendre avec lui-même.
Quelle chance pour Lolita d’obtenir au moins cette réparation [...] J’entends souvent dire, par ces temps de prétendu « retour au puritanisme », qu’un ouvrage comme celui de Nabokov, publié aujourd’hui, se heurterait nécessairement à la censure. Pourtant, il me semble que Lolita est tout sauf une apologie de la pédophilie [...] J’ai toujours douté d’ailleurs que Nabokov ait pu avoir été pédophile. Évidemment, cet intérêt persistant pour un sujet aussi subversif [...] a de quoi éveiller les soupçons. Que Nabokov ait lutté contre certains penchants, peut-être. Je n’en sais rien. Pourtant, malgré toute la perversité inconsciente de Lolita, malgré ses jeux de séduction et ses minauderies de starlette, jamais Nabokov n’essaie de faire passer Humbert Humbert pour un bienfaiteur, et encore moins pour un type bien. Le récit qu’il fait de la passion de son personnage pour les nymphettes, passion irrépressible et maladive qui le torture tout au long de son existence, est au contraire d’une lucidité implacable." (partie V. L'empreinte). 
[ A lire en complément ma Tribune dans Livres Hebdo : Fiction littéraire et principe de réalité, ce que révèle "l'affaire Matzneff". Le Consentement est aussi une "réponse" au journal de Gabriel Matzneff, La prunelle de mes yeux ]
  
En réalité le roman de l'affaire Epstein c'est Ada, ou l'Ardeur (1969). 
Selon notre connaissance de l’œuvre de Nabokov nous pouvons certes facilement être trompé car (certainement là encore influence de Lolita) c'est le prénom féminin de l'un des principaux personnages, Ada, qui est mis en avant dans le titre (nous le voyons, les couvertures du livre jouent également souvent sur cette ambiguïté - ici en illustration celle avec le tableau Kizette au balcon (1927) peinte par sa mère Tamara de Lempicka, qui aurait très bien pu être un personnage de Nabokov -, ainsi que le sous-titre (Une chronique familiale) et les présentations qui insistent généralement sur le thème de l'inceste entre frère et soeur), mais en fait le personnage principal du roman est Van Veen : un milliardaire américain qui pour satisfaire ses appétits sexuels à l'ombre de son père a organisé un réseau international d'exploitation de jeunes filles mineures.  
Les biographies du personnage de Van Veen et de la personne de Jeffrey Epstein sont différentes, mais pour quiconque a lu Ada, ou l'Ardeur il me semble impossible de ne pas confronter ces deux mondes, celui de la fiction et celui de la réalité. 
D'autant plus que la vie d'Ada, nom palindromique, s'écrit sur Antiterra, comme sur un reflet en fait de notre monde ; illusion qui peut parfois tromper des milliardaires (?).
 
Mon objectif n'est pas ici de suggérer l'existence d'une dimension prophétique chez certains auteurs, ou bien d'une fonction autoréalisatrice de certaines fictions littéraires (je pense à l'essai de 2016 de Pierre Bayard, Le Titanic fera naufrage aux éditions de Minuit), non, je pense simplement qu'il y aurait entre les faits et les fictions une consanguinité, un métissage que nous devrions regarder en face.
De fait, nous voyons bien avec cet exemple (Affaire Epstein / Ada, ou l'Ardeur) qu'il y a une certaine porosité naturelle entre fiction et réalité, même si le risque est grand de réduire le monde en puissance de la littérature à la littéralité du monde réel à partir duquel nous entrons virtuellement dans les textes que nous lisons.
Cela ne signifie pas non plus forcément que la fiction influence la réalité, ou bien que l'une serait cause et l'autre conséquence, mais, selon l'étendue de nos lectures et le point de vue adopté, fictions et réalités (au pluriel) peuvent s'entremêler dans la société, voire constituer un corps métisse, un sang-mêlé. 
 
La réalité dépasse souvent la fiction, dit-on, et ce sera peut-être un jour l'enseignement de l'affaire Epstein.
Ce n'est pas parce qu'il y a porosité entre la réalité et la fiction qu'il y a nécessairement confusion.
Rappelons que Nabokov lui-même aurait dit lors de l'une de ses conférences : « La littérature est invention. La fiction est fiction. Appeler une histoire “histoire vraie”, c’est faire injure à la fois à l’art et à la vérité. ». La vieille polémique du Contre Sainte-Beuve de Marcel Proust, et mon étonnement que nombre de proustiens ne semblent finalement pas donner raison à Proust, se dressent ici devant nous.
  
La réalité est comme une nappe d'huile qui flotte sur le lac de la fiction (à moins que ce ne soit l'inverse ?). 
Mais sans le lac, que deviendrait l'huile ?
 

mercredi 17 avril 2019

Regardeur Lecteur face au fameux petit mur jaune


Mon rapport au Grand Œuvre* de Marcel Proust n'est ni celui d'un universitaire ni celui d'un proustien. 
Deux de mes textes précédents en témoignent : Marcel Proust du chaman au fictionaute (dans le cadre du séminaire Ethiques et Mythes de la Création de l'Institut Charles Cros), et, La crainte de devenir proustien (publié chez Mondes Francophones).
Concernant le fameux petit mur jaune (en fait une toiture) dans le tableau Vue de Delft du peintre néerlandais Johannes Vermeer, et qui suscita un tel émoi chez Proust, chez son personnage de Bergotte, puis chez des générations de lectrices et de lecteurs, mon interprétation personnelle est la suivante :
 
- Dans son face à face avec le tableau et sa ressemblance avec la réalité du monde le regardeur se trouve exposé à un double mouvement concomitant : à la fois celui de la plongée de son regard vers l'entrée de la ville et le fond du tableau, la ligne d'horizon, et, celui suggéré par lequel des nuages avancent vers lui, viennent à lui. Dès lors il suffit que son oeil s'accroche à ce petit pan jaune pour, de fait, ne plus voir d'emblée que lui.

Ce petit bout de toiture jaune est comme une poignée de porte à laquelle on se raccroche, à la fois pour éviter de perdre l'équilibre et, en même temps, pour se retenir d'ouvrir la porte. Un facteur (un vecteur) métaleptique (?).
Dans le texte de Proust, le tableau imaginé dans son entier, le tableau lu, jouerait-il comme ce petit espace jaune joue, lui, sur le tableau réel, le tableau vu ?
 
* Terme généralement employé dans le contexte de l'alchimie.

lundi 3 décembre 2018

Un Fictionaute chez Marcel Proust !

La crainte que j'exprime dans ce texte publié dans Mondes Francophones n'est pas fictive. C'est une crainte bien réelle que je ressens pleinement et qui exprime ma prise de conscience de mon propre fictionaute, ce voyageur dans l'extraterritorialité des fictions. 
Avez-vous déjà ressenti cela ?

Lorenzo_Soccavo-dans-Mondes_Francophones
A lire librement dans son intégralité sur le site de Mondes Francophones...

jeudi 12 avril 2018

Les fictions vues comme des iles

Résumé de ma contribution à la conférence internationale en sciences humaines et sociales Mythanalyse de l'insularité, des 21 et 22 mai 2018 (organisateurs et informations) : Les fictions littéraires considérées comme des îles... 
  
" Cette réflexion prend la forme d'éclats, une succession de courts paragraphes à considérer comme autant d’îlots formant un archipel et donc ayant, au-delà des apparences, une certaine unité, laquelle unité pouvant être annonciatrice d'un isthme, une langue de terre qui s'avancerait dans l'océan du langage comme la presqu’île d'un vaste continent inexploré qui serait celui de la fiction littéraire.

Des kabbalistes considèrent le monde comme étant un phénomène linguistique. Marcel Proust lui-même n'est-il pas chaman lorsqu'il écrit dans Le temps retrouvé, ultime étape de son intime galaxie A la recherche du temps perdu : « Ce que nous appelons la réalité est un certain rapport entre ces sensations et ces souvenirs qui nous entourent simultanément », avouant avoir créé son œuvre : « comme un monde, sans laisser de côté ces mystères qui n’ont probablement leur explication que dans d’autres mondes et dont le pressentiment est ce qui nous émeut le plus dans la vie et dans l’art. » ?

Lectrices et lecteurs sont par nature des insulaires, mais ce sont aussi des navigateurs, pris par le texte, tantôt poussés au large, tantôt rejetés vers le rivage.
(L'imaginaire des îles s'harmonise bien, me semble-t-il, à ce mouvement qui se saisit du lecteur de fictions ballotté entre le monde du texte qu'il lit, et, le contexte du monde dans lequel il lit, comme entre le monde et la langue maternelle qui structure le monde, et s'éclairerait des explorations psychanalytiques de Marie Bonaparte sur Edgar Allan Poe – je pense notamment à l'île aux abîmes et aux "gouffres alphabétiques" –, et des travaux de Bachelard sur L'eau et les rêves.)

Ce balancement exprime subtilement le débat qui se croit contemporain sur l'attention et la distraction. En 1905 Proust l'aborde dans un texte qui n'était qu'une préface et est connu sous le titre Sur la lecture dont l'incipit a traversé le temps : « Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. ».

Aux fondements de la lecture littéraire niche une ambiguïté entre le contexte et le texte. Le lecteur est dans cet entre-deux, comme entre deux îles, il lit entre texte et contexte et se retrouve ainsi dans un inter-dit et ce que j'appellerais un outre-autre : un au-delà qui est autre, cet inconnu vers lequel il est attiré comme un navigateur l'est par des îles.

Considérer les îles comme des textes et le langage comme un océan, considérer lectrices et lecteurs comme des insulaires navigateurs n'est-ce pas approcher une vérité de l'être qui serait lettre, créature anthropoglyphe : une lettre qui aurait une forme animale humaine ? Qu'écriraient alors nos navigations ?

Passer de la figure du fictionaute, que je définis comme la densification de la part de soi qu'un lecteur de fictions littéraires projette dans ce qu'il lit, à celle du navigateur, c'est passer d'Ulysse navigateur à Ulysse voyageur interstellaire. En 1981 une série télévisée d'animation franco-japonaise avec Ulysse 31 au… 31e siècle, proposait cette lecture.

Pour les îles les frontières sont ailleurs, dans les eaux territoriales, aux confins des réalités et de l'imaginaire. Dans une perspective mythanalytique les îles et les voyages d'une île à une autre dessinent une graphie qui pourrait être la transcription d'une méthode de lecture en écho à la double métaphore bien connue du monde comme livre et du livre comme monde, qui deviendrait ainsi l'île comme livre et le livre comme île.
Nos références bibliographiques sont ici l'Odyssée d'Homère, Mardi de Herman Melville, Les aventures d'Arthur Gordon Pym d'Edgar Allan Poe, Flatland de Edwin A. Abbott, La Tempête de Shakespeare.
Chaque île, comme chaque livre, offre une lecture de soi et est remise en question de son identité narrative. "