lundi 19 octobre 2009

Pandémie de lecture vs Grippe A H1N1

Reinhard Wittmann pose la question d’ “Une révolution de la lecture à la fin du XVIIIe siècle ?” (dans Histoire de la lecture dans le monde occidental, partie 11). Une question à laquelle il répondra par l’affirmative.

En effet, à partir du milieu du 18e siècle l’on aurait constaté dans l’Europe de l’Ouest, en Angleterre, en France, puis en Allemagne, une véritable « révolution culturelle », que les historiens désignent carrément sous le nom de « rage de lire », allant même jusqu’à parler d’une « épidémie collective de lecture ». Eh oui !
Reinhard Wittmann nous en rapporte plusieurs témoignages d’époque, qui nous feraient désespérer de n’avoir rien trouvé de mieux, nous autres du 21e siècle, que la grippe A H1N1 ;-(
Aujourd’hui ces historiens du livre et de la lecture expliquent simplement « ce changement séculier comme le passage révolutionnaire de la lecture “intensive” à la lecture “extensive”… » (J’avais déjà abordé cette question dans deux précédents billets : De la lecture extensive à une lecture intensive, et, Lecture extensive vs lecture intensive).
« La culture de l’écrit et la littérature devinrent, écrit Reinhard Wittmann, les champs d’expérimentation de l’auto-interprétation et de la réflexion. Le livre et la lecture prirent aussi une nouvelle place dans la conscience publique. » (La culture du Web 2.0 et l’édition numérique joueront-ils ce rôle d’émancipation intellectuelle ? L’apprentissage aux outils et aux logiques du numérique n’est pas sans rappeler les nécessaires apprentissages de l’alphabétisation…).
Les années 1745-1775 virent donc l’éclosion d’une « lecture moderne » dont nous vivons aujourd’hui le déclin, ou le rebond ;-)
La récente étude d’Olivier Donnat, Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique - Éléments de synthèse 1997-2008 (publiée par les éditions de La Découverte et le Ministère de la culture et de la communication, et accessible en ligne ici…), à mon avis, ne répond pas à cette question : déclin ou rebond de la lecture ? Et ce, malgré ce que nous pouvons entendre et lire dans les médias. La conclusion, consensuellement véhiculée dans une belle harmonie, est que : les français lisent moins. Cela dit, l’étude met en évidence : « la montée en puissance de la culture d’écran », avant de déclarer : « la lecture de presse et de livres toujours en recul », mais, sans relier les deux constatations. Le principal biais, selon moi (outre que l’on reste toujours en droit de douter de la représentativité nationale d’un échantillon quel qu’il soit), est que, les postulats étant ce qu’ils sont et les sondés répondant aux questions posées, seules les pratiques, entre guillemets “traditionnelles” de lecture de livres et de presse ont été prises en compte. Les nouvelles pratiques de lecture (notamment sur écrans) sont ignorées. Or, lire en 2009, c’est de moins en moins souvent lire un imprimé. Nonobstant c’est malgré tout : LIRE. Cette étude est à mon sens, en tant que prospectiviste, principalement intéressante par son approche générationnelle. De fait, la génération des moins de 30 ans, au sujet de laquelle Olivier Donnat conclut : « elle est la génération d’un troisième âge médiatique encore en devenir », accélérera inévitablement les mutations en cours dans la galaxie Gutenberg, dès qu’elle accédera aux commandes, ou le jour où les commandes seront plus facilement accessibles par d’autres voies.
Pour en revenir à notre sujet, dans sa partie, Reinhard Wittmann (de Munich) explore la population des lecteurs et leurs pratiques de lecture (une lecture de divertissement, une lecture cursive didactique, et une lecture utilitaire), principalement sur l’espace linguistique allemand, avant d’en revenir à cette fameuse « fureur de lire », « …“narcotique” (comme l’appelle le philosophe J.G. Fichte) et souvent destinée à fuir le réel… ».
Mais nonobstant, ce qu’il est intéressant alors de souligner d’après moi, c’est que ces nouveaux lecteurs : « expérimentaient de nouvelles approches du texte littéraire, de nouveaux modes et rites de lecture. », avec pour incidence de faire du livre une marchandise culturelle et pour corolaire de mettre en œuvre des solutions pour « lire sans acheter » ;-) (Cabinets littéraires, bibliothèques de prêt, sociétés de lecture…), et qu’ils favorisèrent ainsi l’émergence de la lecture, comme une « technique culturelle considérée comme une forme de communication originale. ».
Oui. Vous avez bien lu : une technique culturelle considérée comme une forme de communication originale. A quoi d’autre que la stricte lecture d’imprimés cela pourrait-il nous faire penser aujourd’hui ? ;-)
A suivre…

vendredi 16 octobre 2009

Après l’hyperlivre un antilivre

Après Le sens des choses, se présentant comme le premier hyperlivre, signé Jacques Attali (avec la collaboration de Stéphanie Bonvicini) chez Robert Laffont, et dont il est certainement plus intéressant de considérer la campagne marketing que de s‘attarder à ses aspects “hyperlivresques”, lesquels ne présentent au fond rien de vraiment innovant et ont reçu un accueil plus que réservé sur les réseaux littéraires du Web, voici donc maintenant ce que je me permettrais de qualifier d’antilivre, sous la plume de Jean-Claude Carrière et Umberto Eco, chez Grasset : N’espérez pas vous débarrasser des livres.
Présenté sous la forme d’entretiens avec le journaliste Jean-Philippe de Tonnac et mené tambour battant avec esprit par les deux compères, l’ouvrage s’attache en fait, en puisant dans l’histoire du livre, à faire accroire aux lecteurs que le livre imprimé serait indépassable.
Quelques-uns y trouveront certainement leurs comptes, et notamment les industriels et les financiers qui ont intérêt à vendre du papier.
Nonobstant, de telles stratégies éditoriales de la part de maisons et d’auteurs reconnus sont, à mon sens, particulièrement perverses au moment où l’interprofession du livre se trouve confrontée à de profondes mutations, et où tous, professionnels du livre comme lectrices et lecteurs, ont besoin d’un accompagnement sur les processus en cours à tous les niveaux de la chaîne du livre.
Chercher à insinuer dans “l'esprit du grand public” (entre guillemets) que ceux qui travaillent aujourd'hui au futur du livre, à son avenir, voudraient en fait se débarrasser des livres, est ignoble.
Comment l’auteur de Lector in fabula, peut-il ne plus croire à l’évolution du livre, alors qu’elle se fonde sur une évolution des pratiques de lecture ? Mystère !
Comment les éditions Albin Michel, éditeur historique de L’apparition du livre, peuvent-elles traiter avec mépris ma proposition d’une suite baptisée L’évolution du livre, et dont l’ambition est d’explorer et d’éclairer les pistes nouvelles qui s’ouvrent à nous depuis que le livre a entrepris sa mutation numérique. Mystère !
Dans cet essai, en recontextualisant les bouleversements et les mutations que le monde du livre et de l’édition traverse actuellement avec le numérique, et en les inscrivant dans une perspective historique (références à l’ouvrage de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre), je voulais faire apparaître clairement, qu’au-delà des crises et des ruptures apparentes, c’est, bel et bien, l’histoire du livre qui se poursuit en ce début de 21e siècle. Il s’agissait de réfléchir les mutations du livre et de son marché, de l'édition et de son statut, mais aussi de la lecture et de ses usages, dans une perspective, à la fois, historique, mais également, dynamique, en un mot : prospectiviste.
Je pense que la question essentielle est aujourd’hui : Où va la civilisation du livre ?
Mais apparemment, pour entretenir vaille que vaille l’économie papier d’une édition du 20e siècle, il ne serait pas essentiel d’y répondre :-(
Qui vivra verra…

mercredi 14 octobre 2009

Qui lisaient en ces temps-là ?

C’est Roger Chartier qui traite du sujet : Lectures et lecteurs “populaires” de la Renaissance à l’âge classique, dans cette Histoire de la lecture dans le monde occidental, dont je poursuis donc… la lecture.
Aux questions : « Qui lisaient ? » et « Qui lisaient quoi ? », il s’avère, outre les aléas naturels à toutes recherches historiques, que l’expansion du livre et de la lecture semble bien, malgré les idées reçues que certains de nous pourraient avoir, s’être très tôt calquée sur une vive circulation, circulation des textes et des idées, circulation qui s’apparenterait déjà quelque part aux flux du numérique.

Nous découvrons, en effet, une présence du livre plus forte que certains pouvaient l’attendre dans les sociétés de jadis : « les études monographiques ont constaté une présence du livre plus forte qu’on ne pouvait l’attendre dans les milieux des artisans et des marchands » ; « les laboureurs, artisans et marchands du diocèse de Cuenca interrogés par l’Inquisition entre 1560 et 1610 lisent… ». Aussi, tout au long de sa partie, Roger Chartier s’applique-t-il avec raison à nous : « mettre en garde contre une qualification sociale trop hâtive et trop globale des caractéristiques morphologiques des pratiques de lecture. ».
Je dirais familièrement : ils n’étaient pas forcément plus bêtes avant ;-) « En effet, explicite notre auteur, partout en Europe […] des libraires-éditeurs audacieux inventent un marché populaire de l’imprimé. [Cette clientèle populaire] est nombreuse et elle comprend les plus humbles lecteurs (artisans, boutiquiers, petits marchands, élites villageoises)… » Les recettes sont simples : réduction des coûts de fabrication et conséquemment du prix des livres, catalogues et formats conçus pour séduire le plus grand nombre, colportage (l’arrivée du chemin de fer quelques siècles plus tard révolutionnera la diffusion-distribution des livres et fondera la fortune d’Hachette, mais nous n’en sommes pas là !).
Mais c’est pourquoi cette partie s’attache, avec pertinence, aux pratiques du lire sur les pas de Paul Ricœur. « Une histoire des lectures et des lecteurs (populaires ou non), précise Roger Chartier, est donc celle de l’historicité du processus d’appropriation des textes », poursuivant ainsi, par ces mots qu’il serait sans doute intéressant d’appliquer aux nouvelles générations de lecteurs natifs du numérique en ce début de 21e siècle, « que “le monde du lecteur” est constitué par la “communauté d’interprétation” (selon l’expression de Stanley Fish) à laquelle il appartient et que définit un même ensemble de compétences, d’usages, de codes et d’intérêts. »
Une autre question émerge de la lecture de cette partie. La vieille méfiance des autorités politiques et religieuses à l’encontre de la littérature de fiction, viendrait-elle historiquement de cette inexorable progression dans la société civile de la lecture silencieuse, cette : « crainte qu’inspire une pratique de lecture qui brouille chez les lecteurs la frontière entre réel et imaginaire », et quid alors aujourd’hui de cette crainte sociale face à la convergence jeux vidéos / bandes dessinées / littérature SF et Cie ? Ce point mériterait développement…

Que des disciplines, comme la recherche historique, aient de logiques besoins de catégoriser est légitime, nonobstant, pour la prospective du livre et de l’édition il y a une irréductibilité essentielle des lecteurs : il ne saurait y avoir un, ni même, des, lectorats, définissables par leur commune appartenance à des catégories socioprofessionnelles, mais, il y a des lectrices et des lecteurs, par ailleurs se saisissant des technologies de l’information et de la communication pour écrire et publier (et devenant ainsi pleinement des écrivants, au sens de Barthes, c’est-à-dire : utilisant l’écriture comme moyen de communication) et formant des communautés vivantes déterritorialisées (notamment transfrontalières), fondées, non pas, non plus, sur les veilles catégories classiques, mais, en fonction de leurs centres d’intérêts et des pratiques qu’elles promeuvent, inventent et développent.
C’est pourquoi les notions vagues de buzz et de marketing viral s’avèrent aujourd’hui plutôt inefficaces pour promouvoir le livre et les auteurs sur le Web, alors que ce qu’il faudrait en réalité serait la mise en action de véritables stratégies de planning digital (c’est-à-dire la mise en place concertée d’actions directes, ponctuelles et ciblées, sur ces nouveaux territoires numériques qui se développent en fonction de leurs propres écosystèmes – entendons également par là : qui développent leur propres systèmes économiques – et qui ne peuvent nullement s’appréhender comme s’ils étaient le reflet exact de la société). Depuis la Renaissance la société a changé : qu’on se le dise !
A suivre...

samedi 10 octobre 2009

« L’énormité du marché du livre religieux »

Avec les textes conciliaires de la Contre-réforme et les privilèges pontificaux, l’imprimerie-librairie va asseoir ses assises (sic ;-) tant commerciales, que sociales, par la production de textes liturgiques et bibliques. C’est ce qui ressort clairement des premières pages de la neuvième partie d’une Histoire de la lecture dans le monde occidental, traitant, sous la plume de Dominique Julia de l’École des hautes études en sciences sociales de Paris, du thème : Lectures et Contre-Réforme.

« A travers ces transformations, écrit Dominique Julia, se lit l’énormité du marché du livre religieux qu’ont ouvert les réformes conciliaires : celui-ci exige à la fois des compétences techniques de typographes expérimentés, une assise financière importante, un crédit constant des libraires auprès des pouvoirs politiques […] et religieux. » Nonobstant, il nous faut certainement relativiser, en partie tout au moins, “l’énormité” de ce marché, compte tenu que, sur presque deux siècles durant, la lecture de la Bible, obligatoirement en latin, était, de ce fait, pratiquement réservée aux seuls clercs.
Le développement de traductions françaises de la Bible va progressivement ouvrir aux imprimeurs le marché des laïcs, convoité en somme par tous, et notamment tant par l’Église catholique romaine, que par les jansénistes, qui font eux « de la lecture de l’Écriture non un droit mais un devoir d’État pour tout laïc chrétien. ».
L’élan pastoral ne peut se comprimer et : «A l’appui de ce travail pastoral s’élabore donc, au fur et à mesure de l’implantation des séminaires, toute une littérature religieuse […] massivement éditée à Paris et largement diffusée en province, grâce aux catalogues spécialisés que publient les libraires…»
Il est incontestable qu’entre le 16e et le 18e siècle occidental, « l’Église – et le Roi – ont opté délibérément pour une pastorale du livre… », comme le montre bien Dominique Julia dans sa partie. “Une pastorale du livre”, c’est-à-dire du livre imprimé et relié sous sa forme de codex.
Par ailleurs, les données historiques dont disposent aujourd’hui les historiens du livre (je pense notamment ici aux sources étudiées par Henri-Jean Martin) sont formelles sur l’importance de cette production religieuse de l’imprimé, et sur ses effets structurants sur la chaîne du livre de l’Ancien Régime.
Voilà sans doute ce qui explique, en partie, notre attachement à ce dispositif de lecture, chaque jour de plus en plus obsolète, face aux changements apportés par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, et face à l’évolution irréversible des pratiques de lecture. Vous ne pensez-pas ?
A suivre...

jeudi 8 octobre 2009

La Réforme, fille de Gutenberg ?

« A propos de l’ars chalcographica, je veux ajouter ici que c’est principalement pour cette raison que Dieu a inspiré il y a quelques années la découverte de cette invention [l’imprimerie] : pour qu’elle serve à diffuser la vérité à notre siècle. » Carrément ! Voilà ce qu’affirmait en 1526 François Lambert d’Avignon.
Jean-François Gilmont, de l’Université catholique de Louvain, est lui aujourd’hui plus mesuré, notamment dans la partie huitième d’une Histoire de la lecture dans le monde occidental (Réformes protestantes et lecture). Il relativise cette « affirmation [qui s’est, il faut le reconnaître, largement répandue depuis le 16e siècle, et qui pour lui] relève souvent du lieu commun plus que de l’analyse érudite. ».
Cette conviction, en partie donc erronée, de : « l’importance du livre imprimé dans la diffusion du protestantisme », trouverait sa source, d’après l’auteur, dans le raz de marée pamphlétaire qui se répandit à cette époque sur toute l’Europe, et allait engendrer un besoin grandissant d’ouvrages imprimés dans les différentes langues nationales. Cela accélérant donc le développement de l’imprimerie ;-)
De, La Réforme, fille de Gutenberg, nous passerions donc à, l’imprimerie dopée par La Réforme, qui, de fait, et ceci est historiquement prouvé, favorisa l’éclosion, puis le développement, des premiers centres typographiques.
« Imprimer des livres réformés […] représentait, nous rappelle Jean-François Gilmont, une source de fructueux profits. ». Aussi, après avoir insisté sur l’importance à l’époque des « enjeux politiques et sociaux de la lecture de la Bible », nous rappelle-t-il qu’ « Au XVIe siècle, la nouveauté du livre est sa multiplication dans un monde où l’essentiel des rapports est oral. ».
La société chrétienne oscille entre la Parole (Logos), et le Livre (Biblos) ; (Serait-ce encore vrai aujourd’hui en 2009 ?) ; posant ainsi la question qui demeure elle essentielle au fil des siècles : par quels canaux l’information circule-t-elle ?
(Et pourrions-nous dire qu'au 21e siècle, la nouveauté du livre est sa libre diffusion numérique (flux) dans un monde où l'essentiel de la culture est imprimé et payant ?)
C’est de l’appropriation des textes par les lecteurs, au point qu’eux-mêmes les diffusent (le lecteur qui « se fait le propagateur des idées qu’il y découvre [dans les livres] ») dont cela dépend. C’est le statut (la statue ;-) du lecteur comme médiateur, comme prescripteur du livre.
Nonobstant, hier comme aujourd’hui : « Un mensonge est aussi facile à imprimer que la vérité. ». Et encore plus facile à numériser, ajouterai-je ;-)
A suivre…

lundi 5 octobre 2009

Quel futur pour l'Edition et la Presse à l'heure des T.I.C. à l'UNESCO

J'aurai le plaisir de participer le 26 octobre prochain à l'Unesco à la table ronde : Quel futur pour l'Edition et la Presse à l'heure des T.I.C. ? organisée par le Club Perspectives de l'AAFU (Association des anciens fonctionnaires de l'UNESCO).
Programme
" - Modérateur : J.-M. Dethoor, Président du Club Perspectives.
- 1. L'imprimé et la lecture au 21e siècle : crise et perspectives, par Lorenzo Soccavo, Prospectiviste du livre et de l'édition (Consultant, P.L.E. Consulting).
- 2. Va-t-on vers une information riche pour les riches et pauvres pour les pauvres ? par Bernard Poulet, Rédacteur en chef à L'Expansion auteur de La fin des journaux et l'avenir de l'information.
- 3. Vers des lectures connectées, par Virginie Clayssen, Directeur adjoint du développement numérique chez Editis, Présidente de la Commission numérique du Syndicat National de l'Edition (France).
- 4. Les politiques nationales du livre : vers un nouveau modèle, par Mauro Rosi, Responsable de la plate-forme intersectorielle pour les langues et le multilinguisme, Unesco.
- Rapporteur : Mouna Samman
Ces exposés introductifs seront suivis d’un débat avec l’assistance. "
Date et horaires : le 26 octobre 2009 de 15 h 00 à 17 h 30 en salle XIII.
Adresse : 1 rue Miollis 75015 Paris.
N.B. : Entrée libre. Réservation obligatoire. "Les personnes dépourvues de badge d’accès sont priées de s’inscrire préalablement en précisant : nom, prénom, adresse et qualités auprès de : perspectives@afus.unesco.org ".

dimanche 4 octobre 2009

Médiathèque de Ganges, le débriefing ;-)

De retour, et fort satisfait, de mon passage à Ganges, aux portes des Cévennes, je tiens à remercier le directeur de la médiathèque Lucie Aubrac, Bruno Canard, ainsi que toute son équipe pour leur chaleureux accueil. Durant ce trop bref séjour j'ai eu le plaisir de recontrer "in real life" ;-) l'éditrice Hélène Ramdani-Solomonidis, Jeanlou Bourgeon (de "Numér'île, Le livre, Le Numérique, l'île", Salon International du Livre Insulaire d'Ouessant), l'écrivain Thierry Crouzet et son épouse Isabelle Polu Crouzet (coZop)...
Avant mon intervention : "D'autres civilisations possibles ? Qui liront comment ? Et sur quels dispositifs de lecture ?", la présentation par Sylvia Lorrain et Marc Boulay de leurs travaux de "techniques mixtes de modélisation organique et photo-réaliste 2D/3D, [leur permettant d'] aussi bien représenter le passé et le présent, qu’imaginer l’avenir [des espèces vivantes]..." (Hox Studio) a été une parfaite introduction à mon propos, le livre étant, comme le montre l'illustration de ce billet (extraite de mes slides de Ganges) lui aussi une espèce en voie d'évolution. (Quelles sont justement aujourd'hui les voies qui lui sont tracées ? ;-)))
Je remercie enfin la sympathique équipe de Radio Escapades chez lesquels nous avons pu poursuivre le débat. Et enfin, pour si vous passiez un jour dans le coin, je vous recommande l'hôtel restaurant Les Norias ;-)

jeudi 1 octobre 2009

La civilisation du livre interrogée dans les Cévennes ;-)

J'aurai le plaisir de participer demain 02 octobre, dans le cadre des journées D'autres civilisations possibles, des 1er, 2 et 3 octobre 2009 à la Médiathèque Lucie AUBRAC de la ville de GANGES (Hérault) à la "Rencontre Investir" à 17H30, sur le thème : Révolution numérique et création : "le texte numérisé, l'ère du livre numérique et la transformation de notre rapport à l'écrit. Les créateurs investissent ces domaines et ouvrent leurs oeuvres à de nouvelles formes de récit."
N'hésitez pas à me faire signe si vous y passez :-)

mercredi 30 septembre 2009

Nous sommes une espèce fabulatrice...

Lors de la création de ce blog j'avais décidé de distinguer périodiquement un "Livre du mois" (colonne de droite). Il ne s'agira aucunement d'un livre forcément récent, ou traitant forcément de l'histoire ou de la prospective du livre, mais d'un ouvrage dont la lecture aura marqué de son empreinte mes réflexions de prospectiviste du livre et de l'édition.
Et L'espèce fabulatrice de Nancy Huston, paru aux éditions Actes Sud en 2008 est incontestablement de ceux-là :-)
La quatrième de couverture, que je cite ci-après, exprime parfaitement l'épopée narrative dans laquelle une espèce animale, la nôtre, l'espèce humaine, s'est lancée, pour se dépasser, pour dépasser ses propres limites, celles de son animalité d'abord, puis celles de son immortalité ensuite, puis, pourquoi pas, peut-être un jour celles de sa propre fiction...
" Ils disent, par exemple : Apollon. Ou : la Grande Tortue. Ou : Râ, le dieu Soleil. Ou : Notre Seigneur, dans Son infinie miséricorde. Ils disent toutes sortes de choses, racontent toutes sortes d'histoires, inventent toutes sortes de chimères.
C'est ainsi que nous, humains, voyons le monde : en l'interprétant, c'est-à-dire en l'inventant, car nous sommes fragiles, nettement plus fragiles que les autres grands primates.
Notre imagination supplée à notre fragilité. Sans elle - sans l'imagination qui confère au réel un Sens qu'il ne possède pas en lui-même - nous aurions déjà disparu, comme ont disparu les dinosaures. "
Dans ces lignes, puis dans ce livre tout entier, qui aborde les questions de la naissance du Sens, de l'Arché-texte ("Structure de base de tous les récits primitifs, depuis La guerre du feu jusqu'à La guerre des étoiles..."), du lien Persona, personnage, personne, et du pourquoi du roman..., c'est notre civilisation du livre qui est interrogée, et ces interrogations ne peuvent que nous mobiliser profondément à l'heure où, tant les dispositifs d'écriture et de lecture, que nos pratiques de lecture elles-mêmes, mutent, à l'heure où autofiction et autoédition entrent en collusion (sic ;-) et où il nous faut accompagner, aujourd'hui, tant les lecteurs que les professionnels du livre et de l'édition, dans cette migration qui est bien plus que simplement numérique.

("Née à Calgary (Canada), Nancy Huston, qui vit à Paris, a publié de nombreux romans et essais chez Actes Sud et chez Leméac, parmi lesquels Instruments des ténèbres (1996, prix Goncourt des lycéens et prix du livre Inter), L'empreinte de l'ange (1998, grand prix des lectrices de Elle) et Lignes de faille (2006, prix Femina)." Présentation Actes Sud.)

mardi 29 septembre 2009

Quel(s) support(s) pour le livre de demain ?

A l'aimable invitation d'Elisabeth Chainet, j'ai eu le plaisir le 04 mars 2009 de participer à une table ronde sur ce thème  : Quel(s) support(s) pour le livre de demain ? (c'est moi qui ajoute les "s" ;-) organisée à la Maison de la chimie (Paris), dans le cadre du Salon Demain le livre, des 04 et 05 mars dernier, cette année en avant-première de la fameuse Nuit du livre.
Pour information voici la synthèse de ma réponse d'alors :
" Je vais m’attacher à répondre à la question en tant que prospectiviste du livre et de l’édition. La prospective du livre et de l’édition c’est quoi ? Ce pourrait, dans le cadre de l’histoire du livre, être une discipline nouvelle, dont l’idée a germé en moi en 2006 au cours de la rédaction de la première édition de Gutenberg 2.0, le futur du livre.
Nous pouvons distinguer deux grandes époques dans l’histoire du livre. Avant 1958, c’est une histoire des techniques liées aux métiers du livre. A partir de 1958 et la parution aux éditions Albin Michel de l’ouvrage de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre, l’histoire du livre devient davantage sociologique et humaine. C’est une histoire de l’influence du livre sur les hommes et les sociétés, et, également, des influences de l’histoire et de ses événements sur le livre et sa diffusion.
Aujourd’hui et dans cette perspective, la prospective du livre et de l’édition pourrait, je pense, en cette période de mutation qui peut rappeler celle du 15e siècle, apporter des éclairages intéressants sur l’avenir du livre et de la lecture.
Je proposerais donc comme définition de la prospective de l'édition : la discipline qui s’applique à définir et à représenter les mutations et les nouvelles formes possibles d'organisations socio-économiques, dans le secteur du livre et de l'édition, afin d'y mettre en œuvre des stratégies de développement.
Dans cette perspective je relève une ambigüité dans le thème de cette table ronde : Quel(S) support(S) pour le livre de demain ? Faut-il l’entendre au singulier, comme cela est écrit, ou, plutôt, au pluriel ?
De même ne devrions-nous pas parler “des livres de demain”, plutôt que “du livre de demain” ?
Précisons bien en effet de quoi nous parlons. Distinguons, le support, c’est-à-dire le papier, du dispositif de lecture, le livre, c’est-à-dire des cahiers de feuilles reliés entre eux.
On passe là de la prospective de l’édition à celle du livre, que nous pourrions définir à son tour ainsi : la prospective du livre s’applique à définir et à représenter les évolutions et les mutations des livres, conçus comme dispositifs de lecture, et en les considérant comme des interfaces I2L (ou ILL), c’est-à-dire interfaces lecteurs / livres. Sur le modèle des IHM, des interfaces hommes/machines. Une interface est ce qui assure la communication entre deux systèmes, un homme et une machine (par exemple en informatique, les souris, claviers, etc.). Un rouleau de papyrus est une interface spécifique. Les manuscrits, comme les livres imprimés, ont la même interface, celle de la forme codex. Au 15e siècle les hommes inventèrent des interfaces assez évoluées, comme, par exemple, les Roues à livres, qui préfiguraient la navigation hypertexte d’un livre à l’autre.
Le codex s’impose vers l’an 400. Le livre imprimé vers 1450. Mais ce qui a évolué c’est le support (passage du parchemin au papier, couverture…) et la typographie (passage de la copie manuscrite au procédé d’impression mécanique avec caractères mobiles…), plus que le dispositif de lecture (des cahiers de feuilles reliés). Le passage du rouleau au codex signifie l’apparition de la page (feuilletage possible, recherche dans le texte, lecture plus rapide, indexation, etc.).
Aujourd’hui, avec le passage du livre relié aux tablettes e-paper, c’est le passage de cahiers de feuilles reliés à une seule et unique page réinscriptible. Mais l’on reste encore pour l’instant dans la logique de la page. Or, l’ensemble des lectorats, et pas seulement les digital natives, se sont habitués à de nouvelles formes de lectures avec le Web 2.0 (hypertexte, multifenêtrage, personnalisation de l’affichage, etc.).
Si nous considérons qu’il n’y a pas LE livre en général mais DES livres, pas UN lectorat mais DES lecteurs, et de multiples usages et situations de lecture, nous pouvons penser que nous allons vers une pluralité de supports, que nous pourrions appeler des terminaux de lecture (et non plus vers un support unique comme aujourd’hui) : des tablettes (puis rouleaux un jour) d’e-paper, Smartphones (iPhone, etc.), GPS, tables multitouch de restaurant… Avec peut-être pour chaque terminal une technologie d’affichage différente (OLED, LCD, électromouillage, e-ink, i-surface, etc.). Il y a, ne l'oublions pas, des situations où le rétroéclairage peut être un plus.
En conclusion, à la question : Quel support pour le livre de demain ? Je répondrai que personne ne peut savoir aujourd’hui avec certitude ni sur quoi ni comment nous lirons d’ici quelques décennies, mais que :
- Le livre, en tant que contenant, va probablement progressivement être remplacé, au profit de plusieurs supports basés sur le principe de la page réinscriptible, et chacun adaptés aux différents usages et contextes de lectures.
- Le livre, en tant que contenu (textes, illustrations), se commercialisera dans une logique de diffusion multicanal multisupport, sur la base de nouveaux modèles économiques qui sont en train de se mettre en place. "

lundi 28 septembre 2009

Les médiateurs du livre

Pour exprimer la nécessaire structuration d’une chaîne du livre, l’organisation interprofessionnelle de ses artisanats et de son économie, Anthony Grafton lance une formule qui fait mouche et qui pourrait faire florès à l’heure où, avec les outils du numérique, l’autoédition et l’autodiffusion font, à chaque heure ou presque, de nouveaux adeptes. Cette formule, à méditer selon moi, est : « Un texte ne devient pas de lui-même un livre. » (Ni un e-book ajouterai-je ;-)
Je poursuis donc ainsi ma lecture de la partie consacrée au lecteur humaniste, d’une Histoire de la lecture dans le monde occidental.
De ces lecteurs humanistes, certains se désolaient déjà de “l’industrialisation” (avec le recul des siècles faisons usage de guillemets, d’autant qu’ils ne devaient guère user de ce terme, mais seulement de son esprit…), certains donc se désolaient déjà de “l’industrialisation” qui rendait les livres imprimés en séries moins personnalisables, et, quelque part, moins aimables que les ouvrages manuscrits.
Dès lors, écrit Grafton : « la charge affective de l’objet-livre vient de son rôle dans la vie personnelle de son propriétaire, des souvenirs qu’il lui évoque, bien plus que de son apparence matérielle. ». Qui l’eut cru alors qu'aujourd'hui certains... ;-)
Cependant notre auteur relativise savamment cette évidence largement partagée et véhiculée qui voudrait que l’imprimerie a « profondément transformé le monde de la lecture ». Il souligne que : « les fabricants et marchands de manuscrits (cartolai) de la Renaissance italienne jouaient un rôle de médiateur entre textes anciens et lecteurs modernes… ».
En résumé : tout comme les imprimeurs, les cartolai étaient des entrepreneurs.
Nous avons aujourd’hui tendance à toujours considérer le passé en noir et blanc, comme une chose irréelle relevant de l’ordre de la fiction, alors qu’il s’agit des chaînes d’actions d’hommes et de femmes, comme nous autres, et qui, à leurs époques respectives, étaient terriblement modernes et, en toute logique, de plain pied dans leur contemporanéité.
En tant que prospectiviste, de plus en plus je considère l’histoire du livre, comme le prologue à un véritable avènement de la lecture (d’une lecture totale, immersive) au cours de ce 21e siècle. J’y reviendrai ;-)
Les entrepreneurs de l’époque des manuscrits n’ont donc jamais été les acteurs des vieux films que nous nous repassons dans nos têtes, mais, la chaîne du livre manuscrit mobilisait déjà : « des commerçants énergiques opérant sur un marché littéraire concurrentiel où régnait l’obsession du profit, et où l’on publiait régulièrement des notices cotant la gloire des auteurs à la bourse des réputations… », comme nous le rappelle Anthony Grafton. Cela ne vous rappelle rien ?
De même ne devons-nous guère être surpris de ce qu’il nous rapporte de l’usage immodéré des annotations et commentaires sur le moindre espace blanc des manuscrits, et nous réjouir que le Web 2.0 redonne un nouveau souffle et une portée plus conséquente à ces anciennes pratiques.
L’élan des humanistes vers un nouvel ordre, les hommes du livre (j’inclus bien évidemment dans cette expression les femmes, mais surtout les lecteurs et les lectrices), les hommes du livre l’ont de tous temps expérimenté avec les moyens de leurs époques et ils l’expriment aujourd’hui sur les blogs, les réseaux sociaux, via Facebook et Twitter, entre autres…
Si, comme l’écrit Grafton : « L’approche humaniste de la lecture est liée à la survivance de l’héritage classique et il est juste de l’associer à la Renaissance. Mais elle s’est aussi survécu à elle-même, à la fois dans la haute érudition protestante du Refuge et dans la haute culture vernaculaire de l’Ancien Régime. », ne sommes-nous pas alors en droit d’en lire aujourd’hui la survivance dans les pratiques de lecture que nous (re)découvrons ?
A suivre...

samedi 26 septembre 2009

Assises internationales de l'imprimé et du livre électronique de Montréal

La société franco-québécoise EPC Partners - Papier Electronique & Communication, pour laquelle je suis consultant, organise les 30 septembre et 1er octobre prochains l'événement E-Paper World : les premières Assises internationales de l'imprimé et du livre électronique de Montréal.

vendredi 25 septembre 2009

De la typographie au Web design, vers une lisibilité transréelle [annonce]

Je médite un billet à venir sur le thème suivant : De la typographie au Web design, vers une mise en transréalité de la lisibilité (titre provisoire ? ;-)
Pour ce qui est de la notion (assez récente ;-) de transréalité vous pouvez vous reporter ici... En résumé : il s'agit de mêler réalité et données virtuelles. C'est-à-dire ce qui nous attend certainement dans la nouvelle galaxie du livre, avec la convergence des nouveaux dispositifs de lecture, connectés et embarquant Internet, et, le couple Web 3D / réalité augmentée.
Si vous avez des idées, des sources spécifiques d'informations, des liens, etc., n'hésitez pas : contribuez, soyez 2.0 ;-)

mercredi 23 septembre 2009

Livres de plage et de champ de bataille

Tel est l’intitulé du premier intertitre de la partie septième (sur treize : si cette chronique vous lasse, je vous rassure tout de suite, nous avons déjà passé ensemble le cap de sa moitié ;-) d’une, eh oui ;-) Histoire de la lecture dans le monde occidental.
Aujourd’hui : Le lecteur humaniste.
Son auteur, Anthony Grafton, de l’Université de Princeton, s’attache d’abord au personnage emblématique de Machiavel, lecteur des premiers “livres de poche”, lancés quelques années plus tôt (nous sommes en 1513) par Manuce.
Des “livres de plage”. Mais, aussi, Machiavel, lecteur dans sa bibliothèque de travail des imposants in-folio de Cicéron, Tite-Live, Tacite… Des “livres de champ de bataille”.
Un homme. Machiavel certes ! Deux types de livres et de lectures (au minimum ;-)
« Machiavel, souligne Grafton, pratiquait ces deux sortes de lecture sans difficulté, et nous voyons qu’il se sentait parfaitement capable de choisir aussi bien son système d’interprétation que le texte auquel il allait l’appliquer. »
Certes ! Personnellement cela me semblait assez évident a priori. Il ne faudrait pas prendre Machiavel pour un âne. Mais, nous autres, lecteurs du 21e siècle, à combien de pratiques de lectures pouvons-nous nous adonner ?
Dans l’approche du « spectre des manières de lire des humanistes », ce qui m’intéresse c’est notre spectre de lecture, à nous lecteurs et lectrices d’aujourd’hui, et c’est à lui que je pense. Lectures d’étude ou de travail, lectures pour comprendre, pour mémoriser, pour consulter simplement ; et lectures de divertissement, de romans, de poésies, et cetera ; lectures de BD, lecture des panneaux publicitaires et des plans de métro, des panneaux routiers et des GPS, lecture sur son ordinateur ou son smartphone, et lectures des journaux, des magazines, des publicités, et cetera ; lecture sur l’écran de la télé, lecture des sous-titrages au cinéma… Certains lisent à la plage, aux terrasses des cafés, sur les bancs publics, dans le métro, dans l’avion, certains lisent dans leur lit, certains aux toilettes… Nos lieux et nos pratiques de lecture sont certainement aujourd’hui bien plus variés.
Et vous ? Où, quoi et comment lisez-vous ?
Mais nous retrouvons et nous partageons tous le même souci de l’utilisabilité du dispositif de lecture (notion d'utilisabilité, ou usabilité, d’après l’anglais usability qui définit la capacité d’un nouveau produit à être, à la fois, utile, utilisable et utilisé par des acteurs-consommateurs, en l’occurrence par des lecteurs), de son ergonomie, de sa praticité, que celui qui s’exprimait déjà dans ces propos rapportés d’un client de Manuce et qui lui écrivait : « Vos livres, qui sont si maniables que je peux les lire en marchant, et même, en quelque sorte, en jouant mon rôle de courtisan, chaque fois que la possibilité s’en présente, sont devenus pour moi un très grand plaisir. » (1501 !).

Accepter la possibilité du paradoxe
Face à la déliquescence des autres médias (entertainment <=> infotainment. Je pense surtout à la télévision...) le livre, pouvant bénéficier à l’ère numérique d’une diffusion multicanal multisupport et d’un prix abordable, pourrait-il redevenir : « la principale source des faits et des idées » qu’il était pour les humanistes ?
Je revendique ici, s’agissant de mes impressions de lecture personnelles, le caractère subjectif de mes propos et de mon approche de l’ouvrage concerné. C’est pour moi d’un “livre de champ de bataille” dont il s’agit ;-)
« Toute analyse historique de cette entreprise complexe et protéiforme qu’est la lecture doit résister aux sirènes de la grande théorie et à la tentation de distinguer des changements tranchés, pour accepter la possibilité du paradoxe et de la contradiction. ».
Si j’avais dirigé cet ouvrage collectif, cette déclaration, fort pertinente, d’Anthony Grafton, aurait figuré en exergue ;-)
A suivre...

lundi 21 septembre 2009

La sacralisation du livre

"Durant tout le haut Moyen Age, il semble qu'on assiste, chez les juifs de l'Occident chrétien, à une sacralisation du livre analogue à celle qui s'observe dans la société chrétienne de l'époque..."
Ce constat est de Robert Bonfil de l'Université hébraïque de Jérusalem, et auteur de la sixième partie de cette Histoire de la lecture dans le monde occidental, dont je poursuis la lecture commentée en vous faisant partager mes réflexions.
Aujourd'hui donc : La lecture dans les communautés juives de l'Europe occidentale au Moyen Age.
Bonfil poursuit ainsi son intéressant constat : "le livre est désormais considéré comme un objet magico-religieux plus que comme un instrument de communication par la lecture, comme une relique destinée à l'adoration, à la contemplation de sa charge surnaturelle, plus que comme un réservoir de contenus où puiser en toute liberté."
Un réservoir de contenus où puiser en toute liberté ;-) Cela ne vous rappelle rien ?
En fin de compte, me dis-je, ce nouveau rapport au livre, dont certainement un écho reste encore présent chez tous les lecteurs ou presque en ce début de troisième millénaire, est, une fois de plus ;-) en lien direct avec ce que nous avons pu précédemment évoquer de la lecture dans la Grèce archaïque, et de ses aspects à la limite encore de l'animisme.
Nous relions (sic) toujours codex et livre, livre et éternité.
Nous entretenons inconsciemment une certaine confusion entre le temps qui passe, qui s'écoule, et, le temps qui revient, cyclique (voir illustration).

Illustration
Du "livre", successivement comme : d'une constellation de signes à => un espace graphique [ère des manuscrits] à => un espace typographique [ère de l'imprimerie] à => un espace numérique [ère des flux]...
La question est : allons-nous rester dans cette ronde ?
Ma réponse serait : sans doute, si nous considérons le lecteur au centre du cercle.




N.B. : Les traits d'humour, que je me permets parfois dans cette chronique de ma lecture d'une Histoire de la lecture dans le monde occidental, et, plus généralement dans ce blog, le plus souvent ne sont pas innocents. Si vous y prenez garde, ils incitent régulièrement à remettre en question nos impressions premières sur le sens des mots, et donc, sur l'histoire du livre et de la lecture ;-)
A suivre...

dimanche 20 septembre 2009

Les éditeurs sont des pragmatiques ;-)

Au cours d'un déjeuner avec un éditeur, la semaine dernière, lui végétarien, moi face à un steak tartare ;-) j'en étais venu à évoquer ce que les spécialistes de la Grèce archaïque nomment : "les objets parlants". Il me rappela alors judicieusement quelques extraits du chef-d'oeuvre de Gabriel Garcia Marquez : Cent ans de solitude, que j'ai évidemment lu il y a une vingtaine d'années, mais dont j'avais forcément oublié quelques épisodes.
Du coup je l'ai racheté hier (ne l'ayant pas dans ma bibliothèque, une amie me l'avait prêté à l'époque) et en ai lu dans les jardins du Luxembourg, la présentation signée Albert Bensoussan (dans la collection Points Poche éd. du Seuil). En effet, dans ce "monde qui est constamment à réinventer [...] des petits papiers rappellent aux hommes oublieux le nom des choses - "table, chaise, horloge, porte, mur, lit, casserole" -" ; et aussi, et surtout : "Là, tout sera à créer et l'on vivra le déchiffrement des premiers jours du monde, car "beaucoup de choses n'avaient pas encore de nom et pour les mentionner, il fallait les montrer du doigt". Et voilà l'humaine condition installée dans l'Histoire, dans la contingence, dans le devenir et le cyclique..."
Je devrais citer l'intégralité de cette présentation qui rend magnifiquement compte, tant du chef-d'oeuvre qu'elle présente, que, bien au-delà, des vastes et magnifiques enjeux que véhiculent les livres, et de cette opération, au fond quelque part magique, qu'est la lecture.
Or, les pratiques de lecture mutent en ce début de 3e millénaire, et peut-être même (j'y repensais dernièrement en regardant une petite vidéo de Nokia sur un projet de laboratoire de lunettes détectant les mouvements de l'oeil et permettant de consulter (de lire donc) des informations...), peut-être même allais-je donc dire, irions-nous vers une lecture immersive, totale, renouant avec la magie des commencements :-) 


Quel rapport vous demandez-vous avec le titre de ce post ?
Un ami, qui a une longue expérience de l'édition, m'écrivait récemment : "Les éditeurs sont des pragmatiques de terrain. Tout ce qui ne peut pas se traduire ici et maintenant en objet ne les intéresse pas. En un mot comment ferions-nous demain matin du chiffre d'affaire à partir du numérique...".
Il a certainement raison et c'est bien dans cette optique que je travaille.
Nonobstant, aujourd'hui, les éditeurs changent d'attitude face à  leurs contenus. Papier ou numérique ? Ou les deux ? Comment enrichir ces contenus (audio, vidéo, actualisation, participativité, jeux, ...) ?
Le lancement à l'américaine de The Lost Symbol de Dan Brown (e-book version Kindle d'Amazon, audiobook, jeu vidéo..., et version papier) ne fait que prouver que l'édtion anglo-saxonne se pose certainement moins de questions que l'interprofession francophone du livre, mais qu'elle relève pragmatiquement le challenge de "faire du chiffre d'affaire à partir du numérique".
Qu'attendons-nous ?

samedi 19 septembre 2009

Un réseau social de lecteurs francophones dope l'édition numérique du 21e siècle ?

Oui, cela aurait pu être. Cela était possible. Avec zazieweb.
zazieweb qui s'arrête faute de soutien, tant des pouvoirs publics français, que des principaux acteurs de l'interprofession du livre.

zazieweb.fr c'était depuis 13 ans grâce au travail permanent d'Isabelle Aveline :
1 500 000 pages vues mensuelles
250 000 visiteurs uniques / mois
21 917 membres/lecteurs inscrits (à ce jour)
19 950 inscrits à la newsletter (à ce jour)
1912 petits éditeurs in Guide petite édition
Le public : les lecteurs amateurs, les bibliothécaires, les libraires indépendants, les éditeurs, les prescripteurs du livre...

Depuis hier, 18 septembre 2009, nous pouvons lire en lieu et place de la page d'accueil de zazieweb.fr l'histoire de ce qui restera comme l'une des plus belles aventures du web littéraire francophone, et les raisons de cet arrêt scandaleux :

"Pourquoi s’arrêter ?
Après avoir beaucoup attendu notamment :
• des pouvoirs publics
• des institutions (une reprise a été à l’étude pendant deux ans, mais le projet n’a finalement pas été rendu possible)
• des services culturels
Parce que les moyens et la puissance pour créer un réseau social francophone de lecteurs, sur la base de ZazieWeb, n’ont pas été accordés.
Parce qu’il ne m’appartient pas de continuer à porter à bout de bras et en bénévolat une « communauté de e-lecteurs », avec une technologie chaque jour de plus en plus obsolète, parce que la version actuelle du site date de 2001, et qu’une refonte du site serait nécessaire. Parce que pour des raisons personnelles je souhaite travailler ET être rémunérée (sic).
Parce qu’il semble que les logiques de subvention se concentrent sur les projets de numérisation, les arts numériques, pas sur la médiation… alors qu’il me semble — et depuis longtemps — que c’est l’exercice de la médiation qui seule rendra le livre numérique pertinent, voire même qui créera désormais l’existence « réelle » du livre et du livre numérique.
Laissant la numérisation à d’autres, plus puissants, plus pertinents notamment dans les moteurs de recherche…
Alors que le pouvoir du livre n’est plus forcément le pouvoir des auteurs, des éditeurs, mais le pouvoir des lecteurs, des amateurs, en vrai, le pouvoir rendu à l’activité, l’exercice de la lecture…
Alors qu’il aurait été intéressant depuis longtemps de créer un Ircam du texte…
Comment ne pas s’étonner/se révolter de tout ceci ?
[...] Parce que les bons modèles sont les modèles des « pures players » et de surcroit le plus souvent anglo-saxons…"

L'arrêt de zazieweb n'est, malheureusement, qu'un signe de plus que nombres de décideurs (investisseurs) sont prêts à livrer l'édition et la littérature françaises pieds et poings liés aux majors anglo-saxonnes de l'entertainment !

vendredi 18 septembre 2009

La BD pourrait-elle devenir le fer de lance de l'édition numérique ?

C'est avec Sébastien Naeco, le rédacteur du blog le Comptoir de la BD (sélection du Monde.fr) que j'ai le plaisir d'inaugurer cette série d'interviews sur la prospective du livre et de l'édition (d'autres sont donc bien en préparation, sachez-le,  pour les semaines à venir :-)

Ancien journaliste, professionnel de la communication, et qui a travaillé tant dans l'édition, le jeu vidéo et le dessin animé, que dans la BD (il est encore actuellement scénariste bd), Sébastien Naeco suit de près les évolutions du livre.
Nous nous croisons souvent sur divers réseaux sociaux et avons parfois le plaisir de discuter et d'échanger des idées "in real life".
Suite à une de ces discussions récentes, à Saint-Germain-des-Prés comme il se doit ;-) j'ai eu l'idée de ce premier entretien pour le blog de P.L.E. Consulting.

Lorenzo Soccavo : Les fans de BD sont le plus souvent des jeunes, adeptes des jeux vidéos et accrocs aux téléphones portables. Idées reçues ou réalité ? Et si réalité, l'édition papier n'atteint-elle pas ses limites alors ?

Sébastien Naeco : Les lecteurs de BD représentent des tranches d'âge nettement plus étendues que l'idée que l'on peut s'en faire. La BD s'est très nettement affranchie du rapport présupposé BD égale adolescent. Les femmes lisent de la BD, comme les seniors ou les cadres supérieurs. La BD est tellement diversifiée qu'il est très difficile de ne pas trouver une histoire, un graphisme ou un niveau de narration à son goût, à moins bien sûr d'être complètement réfractaire à l'idée qu'une image peut donner sens.
Ce que sous-entend cette question, c'est que la BD c'est moderne. C'est on ne peut plus vrai. Elle est branchée aussi et est sans cesse parcourue, comme tout art, par des modes et des courants. La variété de formats, de styles, des origines, des thématiques en font un média inépuisable. Sa richesse est sans conteste sa force. En tant que secteur du marché de l'édition, la BD reste en pleine forme et demeure l'un des rares à poursuivre une croissance ininterrompue depuis plus d'une décennie. Près de 4500 titres paraissent chaque année, c'est énorme, mais c'est aussi le signe d'une formidable vitalité.
Autre point que sous-entend la question, c'est que la BD est connectée aux jeux vidéo et aux appareils de communication nomades. C'est vrai à plusieurs niveaux : d'abord, jeux vidéo et BD s'appuient pour l'essentiel sur les mêmes référents culturels, il y a un voisinage et une parenté indéniables. Ensuite, de plus en plus de personnes jouent sur téléphones ou consoles de jeux portables. La BD y arrive tout doucement, via des plateformes et des applications de lecture. Il existe dans ce sens deux directions en pleine construction : la gestion des catalogues, c'est à dire le portage d'une série publiée sur papier vers un lecteur numérique ; et la création pure, où des artistes compilent animation, bande-dessinée, cinématiques pour créer un nouvel art, numérique, appelé pour l'instant par défaut BD numérique. Cela signifie, d'une part, que l'édition BD sera prescripteur pour la BD numérique ; et que, d'autre part, des nouveaux métiers apparaissent, dérivés de la BD, mais, également, du jeu vidéo, ou de la production de dessin animé. Enfin, si je pense savoir comment ces deux directions vont se mettre en place, je ne suis pas devin, j'ignore si elles vont pouvoir vivre côte à côte, ou si l'une ne va pas prendre le pas sur l'autre. Ce que je souhaite, c'est qu'elles s'inspirent l'une l'autre.

L.S. : Nous évoquions l'autre soir à la brasserie Les Editeurs, tant les jeux de rôle massivement multi-joueurs en ligne (MMORPG) que les ARG (Alternate Reality Game) et le développement des serious games, et ainsi leur convergence possible avec la BD numérique. Soit. Mais comment définirais-tu alors la BD aujourd'hui, en 2009 ? Si elle était soluble dans les jeux vidéos ne risquerait-elle pas tout bonnement (ou tout malheureusement ;-( de disparaître en tant que 9e art ? De s'apparenter de plus en plus aux films d'animation ?

Sébastien Naeco : Non, je ne pense pas que la BD va se dissoudre par croisements successifs pour disparaître dans le jeu vidéo ou l'animation. La BD numérique de création, comme l'incarnent des artistes aussi différents que Lewis Trondheim, Balak, Boulet ou Pénélope Jolicoeur, se résume à une question : j'ai un nouveau support, un écran d'ordinateur, une page web ou un écran de téléphone portable – comment moi, dessinateur, scénariste, animateur ou producteur, je peux investir ce champ pour créer des oeuvres originales, porteuses de sens, inédites et, idéalement, commercialement viables ?
La BD numérique a aujourd'hui de multiples formes qui ne sont d'ailleurs pas toujours conciliables entre elles. En effet, quel point commun entre un strip en trois cases scanné et publié sur un blog et une séquence lisible par clics avant et arrière et à multiples entrées ? Il existe des gags en 50 vignettes, disposées les unes au dessus des autres, qui défilent en « scrolant » une page, qui jouent à fond la verticalité du web.
La bonne nouvelle, c'est que je ne pense pas que dans ces différents formats de BD numériques, l'un va l'emporter sur l'autre. Ce sera avant tout des usages et des canaux de diffusion différents, rapportant ou non de l'argent, mais coexistants dans un ensemble créatif qui n'aura de commun que le numérique de sa nature. Ce qui fait en réalité aujourd'hui défaut, ce sont des appellations distinctes en fonction des types de BD numériques.
Un des courants de la BD numérique tente de définir un format au croisement de la BD, du dessin animé, du jeu vidéo, qui ne soit pas les versions pauvres de chacun de ces trois modes mais une quatrième alternative. Je crois beaucoup dans cette démarche qui ouvre un champ inédit en terme de création éditoriale. Et je le redis : je ne crois absolument pas que la BD numérique supplantera la BD papier, pas plus que le livre numérique ne mangera le livre papier. Ce qui peut arriver, à plus ou moins long terme, c'est que les entreprises qui seront leaders sur le livre électronique (qui ne paraissent pas aujourd'hui être des maisons d'édition, il suffit de voir Amazon, Sony ou Google) rachèteront les maisons d'édition papier pour contrôler toute la chaîne de traitement d'un livre. Est-ce que ce sera mieux ? Moins bien ? Est-ce que ce sera abandonner, comme certains le croient, le talent d'un éditeur défricheur de talents et de textes pour celui d'un commercial marketeux, appliquant des recettes considérées comme potentiellement plus rentables, ce n'est pas impossible. Mais le cinéma, la musique et la littérature continuent de nous prouver que le talent ne se mesure pas à la valeur au box-office...

L.S. : Pour toi, une bande dessinée, en 2050, ce sera comment ?

Sébastien Naeco : Je pense que la BD en 2050 sera accessible sur plusieurs supports encore et qu'elle sera encore plus connectée à d'autres médias, afin de renforcer et de prolonger l'immersion des lecteurs/joueurs/spectateurs dans les aventures de leurs héros préférés et dans leurs univers favoris.
D'un point de vue culturel, je pense que l'on verra l'émergence de nouveaux types de BD, mêlant et dévoilant des cultures, des civilisations, des histoires que nous ne soupçonnons pas aujourd'hui. La BD continuera d'être un vecteur d'imaginaire, porteur de valeurs, de sens. Des signes actuels (l'arrivée des japonais en Europe pour développer en direct la diffusion des manga ; la concentration dans les grands groupes d'édition européens et américains ; le lien alimentaire de plus en plus étroit entre Comics et cinéma hollywoodien ; la recherche d'un format international de BD, afin de décloisonner les créations ; les passerelles renforcées entre artistes par delà les continents ; l'inconnu de la BD numérique...) annoncent de grands bouleversements chez les acteurs de la BD et par conséquent dans la manière dont elle sera amenée aux lecteurs. Les modes de diffusion vont changer, les loisirs vont apparaître de plus en plus comme des packages (allez voir le film, lisez le roman, achetez le jeu vidéo, vous serez abonné au magazine, vous aurez une réduction sur la BD, le tout s'interpénétrant, afin que ce qu'apprend le lecteur dans la BD puisse lui servir dans le jeu et l'éclaire sur les interviews dans les magazines, etc.).

L.S. :  Les téléphones mobiles seraient-ils destinés à être inévitablement demain les nouveaux supports de la BD et quid des albums papier alors ?

Sébastien Naeco : L'une des grandes questions que posent aujourd'hui les readers/liseuses est de savoir si les gens seront prêts à avoir un lecteur électronique de plus dans leur sac. Autrement dit, en plus du téléphone portable (qui fait aussi GPS, appareil photo, agenda, console de jeux, etc.), du lecteur mp3, de la DS de Nintendo, du netbook, de l'appareil photo numérique bridge, voudrais-je avoir aussi le Kindle d'Amazon ou le PRS X de Sony ? Le succès de l''iPhone tend à faire penser qu'un appareil « tout-en-un », pour peu qu'il soit accessible et branché, peut réunir tous les suffrages. Après tout, on n'a que deux mains, deux oreilles et que deux yeux disponibles.
Où la BD trouve t-elle sa place sur tous ces supports ? Pas seulement sur les téléphones portables (et des annonces de Sony pour proposer des classiques des Comics Marvel sur sa console de jeu PSP vont dans ce sens), c'est un premier point. Mais la BD numérique va devoir lutter avec une rude concurrence : les épisodes de séries télé en streaming ou en VOD, les radios en ligne, les contenus numériques exclusifs (jeux, retransmissions de matchs sportifs, paris, informations...) et sans doute d'autres contenus encore. Sans une narration repensée, sans une démarche éditoriale propre, prenant en compte les usages, les pratiques, les envies de consommation, sans un environnement productif adapté, pensé pour la BD numérique avant tout, avec ses spécificités propres (métiers plus techniques, changement d'interlocuteurs pour la diffusion par rapport à un éditeur papier, internationalisation et localisation des contenus, gestion des droits des créateurs totalement repensée...), la BD numérique ne sortira pas du lot.
Elle a fort à faire, car en face les armes sont déjà bien aiguisées et affutées. La BD papier en comparaison, déjà bien en place, peut envisager un avenir radieux pour quelques années encore !

L.S. :  La question que je ne t'ai pas posée et à laquelle tu veux absolument répondre ;-)

Sébastien Naeco :  Oui ;-) Ce serait : "Que faut-il encore pour que la BD numérique ne reste pas dans le domaine du fantasme technophile mais devienne une réalité culturelle et sociétale ?"

L.S. : Et alors ? Que faudrait-il ?

Sébastien Naeco : Il est important de définir au plus vite un format standard afin que les créateurs puissent connaître les contraintes réelles auxquelles ils doivent faire face, à la manière d'un studio de développement de jeux vidéo qui doit connaître les moteurs des consoles de jeux pour pouvoir développer leurs prochains titres en conséquence. Aujourd'hui, on est encore clairement dans le flou.
Parallèlement, il faut avoir une réflexion éditoriale profonde sur, à la fois la gestion de catalogue existant, la gestion des licences (par exemple produire des BD numériques spin-off de séries existantes en papier), et la création pure. Il faut penser cross-media tout de suite et le présenter aux partenaires et investisseurs en ne se restreignant pas au seul secteur de l'édition, à un territoire, ni même à une langue.
Enfin, il est impératif d'intégrer les auteurs qui le souhaitent dans les processus décisionnels et dans la définition de leurs statuts d'auteur de BD numérique.

L.S. : Merci Sébastien :-)
N.B. D'autres entretiens en ligne dans les semaines à venir. A suivre...

jeudi 17 septembre 2009

Imaginer le livre de demain

C'est Bernard de Fréminville, à l'époque où il était encore Directeur Général de Dilicom, qui avait attiré mon attention sur ce qu'Albert Robida écrivait en 1892 dans La vie électrique : "Ce que je pense de la destinée des livres, mes chers amis ? Si par livres vous entendez parler de nos innombrables cahiers de papier imprimé, ployé, cousu, broché sous une couverture annonçant le titre de l’ouvrage, je vous avouerai franchement que je ne crois point, et que les progrès de l’électricité et de la mécanique moderne m’interdisent de croire, que l’invention de Gutenberg puisse ne pas tomber plus ou moins prochainement en désuétude..." (dans la collection "Le vingtième siècle", en ligne ici ;-)
Lecture à rapprocher, quelques années plus tard, de La Mort du Livre. Anticipations bibliophiliques, par Maurice Escoffier (dont je vous conseille cet "Extrait de la Revue Mensuelle de l’Association des Anciens Elèves de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales (HEC), numéro spécial sur “Le Livre”, décembre 1932, 250 exemplaires. L’auteur, Maurice ESCOFFIER, fut diplômé de HEC en 1899, devint libraire-éditeur et professeur à l’Ecole des Sciences Politiques, l’ancêtre de l’IEP (Sciences-Po). Le présent texte a été reproduit tel que repris en 1933 par la Maison du Bibliophile..." (A découvrir en ligne ici ;-)

mercredi 16 septembre 2009

Lire aux derniers siècles du Moyen Age

Tel est le titre de la cinquième partie d’une Histoire de la lecture dans le monde occidental, sujet traité par Paul Saenger de la Newberry Library de Chicago.
La séparation des mots, inaugurée dans les îles britanniques dès le 7e siècle, ne se serait généralisée en France qu’au 11e. Chez Frédéric Barbier (de mémoire) ce serait des moines émigrés en Irlande qui auraient les premiers rompu la scriptio continua.
(Mon “(de mémoire)” est symptomatique : de tous ces livres sur l’histoire du livre et de la lecture, que je lis depuis plusieurs mois, pour approfondir la dimension transhistorique de mes réflexions et activités de prospectiviste, seul, à ma connaissance, le célèbre L’apparition du livre, de Febvre et Martin est disponible en version numérique [PDF téléchargeable ici…]. Les autres sources : non. Or, comme beaucoup, je me suis habitué au confort des fonctionnalités du Web 2.0. Et devoir rechercher un terme ou un passage, dans une dizaine d’ouvrages papier de plusieurs centaines de pages chacun et avec des index incomplets, bah c’est galère ! Il me faudrait presque une roue à livres comme au 16e siècle en 2009 !)
Mais revenons à nos mots. Leur séparation donc s’accompagna de nouvelles règles d’ordonnancement dans les phrases, du développement de la ponctuation (je ferai à l’occasion des propositions dans ce sens ;-) et donc d’une pratique facilitée de la lecture silencieuse.
Ces progrès dans la lecture, note l’auteur, dépendaient : « de la promptitude à reconnaître visuellement la forme des mots et à percevoir les principales organisations spatiales du texte : la proposition, la phrase, le paragraphe. ».
L’emploi de lettres initiales colorées en début de paragraphes fut également adopté et contribua à ces progrès [voir illustration]. L’usage que je m’amuse à en faire ici, dans ce présent post, est-il à votre avis pertinent sur un blog ? (Dans mon post critique sur le récent dossier en ligne du magazine Science & Vie je stigmatisais justement au fond l’illisibilité des textes en ligne.)
Si nous nous efforcions d’être attentifs nous aussi, à notre activité de lecture, nous autres lecteurs du 21e siècle, nous nous rendrions compte que nous lisons de plus en plus vite, que nous survolons les textes, tandis que, pour les lecteurs du Moyen Age, la lecture silencieuse, par l’attention soutenue qu’elle réclamait, était gage d’une compréhension approfondie et d’une véritable méditation sur le sens profond des textes ainsi lus.
Aujourd’hui, pour ma part en tout cas, c’est de me forcer à lire à voix haute un texte, lentement, de façon claire et bien articulée, qui me permet d’en bien saisir le sens dans toutes ses dimensions.
De fait, en 2009, nous écoutons des flux de musique et regardons des flots d’images animées, mais comment lisons-nous ? Plusieurs éléments se bousculent alors : l’échec commercial des livres audio, la fonction “Text-To-Speech” du reader Kindle d’Amazon, ce qu’écrivait Albert Robida en 1892 (j’y reviendrai bientôt dans un post dédié), et le théâtrophone (« invention de Clément Ader consistant en un réseau téléphonique relié à l’Opéra de Paris et qui permettait d’écouter l’opéra en restant chez soi [et qui] fut exploité à Paris de 1881 à 1932.» Source Wikipédia) et qu’affectionnait notamment Proust.
Alors allons-nous, à l’époque des dispositifs e-paper, revenir à des lectures orales ? Non certes. Mais… Nonobstant de nouvelles stratégies de lecture vont devoir s’inventer si nous voulons continuer à mémoriser (au moins un minimum) et à comprendre (au moins un minimum ;-) ce que nous lisons (notamment en ligne) parmi la masse de textes plus ou moins structurés et qui se multiplient plus vite que les lapins !
A suivre...

mardi 15 septembre 2009

Intéressante matinée à l'Ecole Normale Supérieure...

... de Cachan, pour la journée de Go!Doc, le Réseau de professionnels de l'information scientifique et technique en région Ile-de-France.
Présentée par Françoise Tchang du comité de pilotage Go!Doc et modérée par Catherine Vassilieff, cette matinée avait pour thème : Quel contenu pour quel support ? Le paysage du e-book en panorama.
J'ai eu le plaisir d'être précédé en première partie de matinée par Stéphane Pillorget, directeur du projet Gallica de la Bibliothèque nationale de France (site Gallica), lequel nous a annoncé que l'expérience de Gallica avec des éditeurs pour la présentation d'oeuvres contemporaines était perçue positivement et allait donc perdurer. Une bonne nouvelle à mon avis. Nous avions déjà eu l'occasion d'intervenir ensemble dans le cadre du Congrès i-expo/KM Forum 2.0, de Paris le 29 mai 2008.
Mon intervention de ce matin portait sur le thème : Le livre électronique au service des professionnels de l'information scientifique. Etat des lieux et perspectives.
J'ai pu insister sur les nécessités d'optimisation des nouveaux dispositifs de lecture et sur les besoins pour les documentalistes d'optimiser le partage des ressources. 
J'ai également profité de la présence de Stéphane Pillorget pour signaler que les bibliothèques numériques étaient, à moyen terme, appelées à devenir les interfaces numériques entre, d'une part, les bibliothèques physiques "brick and mortar", et,  d'autre part, les bibliothèques "pure player" sur le futur Web 3D ;-)

lundi 14 septembre 2009

Ecritures et Résistances à Ganges. D'autres civilisations possibles...

J'aurai le plaisir de participer à ces journées des 1er, 2 et 3 octobre 2009 à la Médiathèque Lucie AUBRAC de la ville de GANGES (Hérault) sur le thème alléchant : D'autres civilisations possibles.
Alors, oui, comment liront-elles ? Sur quels dispositifs et interfaces de lecture ? Passionnant !
j'interviendrai plus précisément dans le cadre de la "Rencontre Investir" du vendredi 02 octobre à 17H30, sur le thème : Révolution numérique et création : "le texte numérisé, l'ère du livre numérique et la transformation de notre rapport à l'écrit. Les créateurs investissent ces domaines et ouvrent leurs oeuvres à de nouvelles formes de récit." (extrait programme).
N'hésitez pas à me faire signe si vous y passez :-)

dimanche 13 septembre 2009

Message de service ;-)

Le flux de P.L.E. Consulting est maintenant réglé pour diffuser les posts dans leur intégralité ;-)
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Et vous pouvez toujours partager la partie publique de ma veille sur les mutations de l'édition, du livre et de la lecture via Google Reader.
Alors... @ bientôt :-)