Ce 06 janvier 2010, le rapport de la Mission Création et Internet a été remis à Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, par MM. Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti.
Comme l’a signalé Frédéric Mitterrand dans son discours prononcé à l’occasion de la remise de ce rapport [lien discours] : « Vous n’avez pas négligé le domaine du livre – qui est aussi au centre d’une problématique connexe, celle de nos rapports avec Google, et je rappelle que la commission présidée par Marc TESSIER (que vous avez d’ailleurs interrogé) me remettra son rapport très prochainement. Ce sera un autre moment clef, en ce riche début d’année, d’une réponse construite et globale aux défis de la révolution numérique. Vous avez ainsi réfléchi aux conditions d’application du « Prix unique du Livre », ce formidable outil de régulation créé par la loi LANG. Vous avez envisagé la création d’une plateforme unique, ou encore des réformes fiscales bien ciblées. Je vous rappelle, à cet égard, que je me suis battu et je continue à me battre pour une TVA à taux réduit sur l’ensemble des biens culturels. »
Voici donc l’extrait du rapport en lien avec les questions du livre et de l’édition :
(Extraits du Rapport de la Mission Création et Internet :
Intégralité du rapport téléchargeable à l’adresse : http://www.culture.gouv.fr/mcc/Espace-Presse/Dossiers-de-presse/Rapport-Creation-et-Internet)
« 2. Le secteur du livre doit se préparer sans tarder aux évolutions à venir
Le marché du livre numérique n’a pas encore une véritable existence économique : il ne représente aujourd’hui qu’à peine 0,1% du marché français de l’édition. Mais l’exemple américain, où l’existence de terminaux attractifs (notamment le Kindle proposé par Amazon) et d’une offre abondante a permis ces derniers mois un développement exponentiel de la consommation, montre que les choses peuvent évoluer très rapidement.
Trois mesures doivent être prises sans tarder pour se préparer correctement aux enjeux du livre numérique. L’une relève des pouvoirs publics, une deuxième des professionnels, et la dernière d’une démarche partagée.
2.1. Étendre le prix unique au livre numérique et défendre le passage au taux réduit de TVA
Les détenteurs de droits, auteurs et éditeurs, doivent pouvoir continuer à déterminer le prix de vente du livre, y compris dans l’univers numérique. Cela est impératif pour éviter que le prix soit fixé par des sociétés dont le livre n’est pas le métier principal, et pour préserver la diversité de l’offre émanant des éditeurs et des libraires.
Pour parvenir à cet objectif la mission estime que l’extension du prix unique au livre numérique dit « homothétique » (c'est-à-dire reproduisant à l’identique l’information contenue dans le livre imprimé, tout en admettant certains enrichissements comme un moteur de recherche interne, par exemple) doit être prévue par la loi dans les plus brefs délais.
Cette mesure, qui passe par l’adoption d’une loi reprenant les principes fixés, pour le livre physique, par la loi sur le prix unique de 1981, est juridiquement sûre. Elle permet aussi de préparer ultérieurement une législation permettant aux éditeurs de contrôler le prix de vente de l’ensemble des livres numériques, en tenant compte des évolutions du marché, et de l’avis attendu de l’Autorité de la concurrence sur le sujet. Elle a enfin le mérite d’envoyer un signal politique fort et immédiat à l’Union européenne, au sein de laquelle la France doit remettre en cause l’assimilation du livre numérique aux « services en ligne », notamment d’un point de vue fiscal. […]
En parallèle, pour que le développement du livre numérique ne pénalise aucun des acteurs de la filière, un réexamen des relations entre auteurs et éditeurs s’imposera à court terme. Ces relations, qui ne relèvent pas de la loi mais des pratiques contractuelles entre acteurs de la filière, doivent faire l'objet d'une adaptation aux nouvelles conditions d'exploitation des œuvres dans l'univers numérique afin non seulement d'assurer aux auteurs une juste rémunération mais aussi de sécuriser, pour les éditeurs, la cession des droits numériques.
Des discussions ont déjà eu lieu. Elles ont permis d'identifier un certain nombre de points à l'étude, sans qu’aucun d’entre eux ne fasse à ce jour consensus. Les efforts consentis par les pouvoirs publics pour aider la filière du livre devront être accompagnés par des avancées rapides sur cette question pour que le développement du livre numérique permette une juste rémunération de l’ensemble des ayant-droits.
2.2. Créer une plateforme unique de distribution des livres numériques
Plusieurs plateformes concurrentes ont été créées par les éditeurs pour distribuer leurs livres sous forme numérique : Hachette dispose de Numilog, L’Harmattan a lancé L’Harmathèque et Éditis E-Plateforme, tandis que Flammarion, Gallimard et Le Seuil-La Martinière construisent ensemble Eden-Livres. Cette fragmentation, compréhensible côté éditeurs d’un point de vue historique et commercial, va se révéler un handicap colossal pour les libraires en ligne, qui risquent de se trouver confrontés à plusieurs plateformes, avec l’obligation de développer des infrastructures techniques lourdes et coûteuses.
Il est indispensable que les éditeurs s’organisent pour constituer une plateforme unique, sur laquelle chaque éditeur puisse déposer son offre à l’intention des libraires. L’objectif est ici de permettre aux libraires d’avoir accès à la totalité des livres numériques et de jouer ainsi leur rôle de guide du lecteur dans le labyrinthe des titres disponibles. Cette plateforme implique pour les éditeurs la production de métadonnées communes et l’homogénéisation des formats.
Dans le respect des règles de concurrence, il semble qu’un groupement d’intérêt économique, sur les modèles existant déjà dans l’univers physique avec Prisme (pour le transport), Dilicom (pour les commandes) ou Électre (pour les données), pourrait être la formule adéquate.
Les pouvoirs publics, qui devront dans le même temps, s’ils suivent les conclusions de la mission, légiférer pour instaurer le prix unique du livre numérique, et permettre une augmentation des ressources budgétaires pour accélérer la numérisation des fonds des éditeurs, ont les moyens de peser sur ces derniers pour faire hâter cette nécessaire convergence technique et commerciale.
2.3. Investir plus massivement dans la numérisation des livres
L’offre de livres numériques est encore peu développée, en bonne partie parce que les coûts induits par la numérisation sont élevés. Pour les ouvrages tombés dans le domaine public, les annonces faites par le Président de la République sur le champ d’application du grand d’emprunt permettront de changer de braquet. Pour les livres sous droit, qui relèvent directement du champ de la mission, le Centre national du livre (CNL) dispose d’une enveloppe financière d’environ 1,3 millions d’euros chaque année pour aider les éditeurs à progresser dans la numérisation de leurs fonds. Mais cet argent n’est jamais utilisé en totalité, en raison du plafonnement des taux d’aide appliqué par le CNL.
Il est donc proposé de tripler les montants effectivement affectés à la numérisation des livres sous droit, pour atteindre un montant de l’ordre de 4 à 5 millions d’euros par an dans les deux ou trois années qui viennent, grâce à la combinaison de deux mesures. D’abord, élargir l’assiette de la redevance sur le matériel de reproduction et d’impression, qui sert à doter le CNL, aux consommables des appareils de reprographie (cartouches jets d’encre et laser toner). Ensuite, augmenter le taux maximal de participation de l’État à 70 ou 80% (contre 40 à 50% actuellement), de manière à donner à l’aide un caractère puissamment incitatif. En contrepartie de cet effort, l’État pourrait négocier avec les éditeurs pour que les œuvres ainsi numérisées puissent être utilisées à des conditions préférentielles par l’Éducation nationale. »
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