Dans La conquête de l’ubiquité en 1928, Paul Valéry prédit des « changements prochains et très
profonds dans l’antique industrie du Beau. ».
L’auteur du Cimetière marin, esprit mallarméen en perpétuelle quête d’une plus juste connaissance de soi et
du monde, écrit quelques lignes plus loin : « Ni la matière, ni
l’espace, ni le temps ne sont depuis vingt ans ce qu’ils étaient depuis toujours.
Il faut s’attendre que de si grandes nouveautés transforment toute la technique
des arts, agissent par là sur l’invention elle-même, aillent peut-être jusqu’à
modifier merveilleusement la notion même de l’art. ».
Ce court texte, de trois
pages seulement, annonce les dispositifs numériques qui depuis nous sont
familiers, anticipe les technologies de la communication, et va encore bien plus loin si nous savons y déceler l'espoir derrière les mots.
A son souvenir
d’enfance : « Il me souvient ici d’une féerie que j’ai vue enfant
dans un théâtre étranger. Ou que je crois d’avoir vue. Dans le palais de
l’Enchanteur, les meubles parlaient, chantaient, prenaient à l’action une part
poétique et narquoise. Une porte qui s’ouvrait sonnait une grêle ou pompeuse
fanfare. On ne s’asseyait sur un pouf, que le pouf accablé ne gémît quelque
politesse. Chaque chose effleurée exhalait une mélodie. », je ne peux
m’empêcher de penser en lisant ces lignes aux “livres-applications” que les
éditeurs pure-players cherchent aujourd'hui à développer pour les plus jeunes lecteurs.
Si nous mettons ce texte de
1928 en parallèle d’un billet de blog, daté lui du 24 août 2012 et signé Chris
M. Collins, analyste en technologies de l’information à l’Université de
Cincinnati : Why Anyone Who Cares About the Metaverse Needs to Move Beyond Second Life ; Now, Not Later (Pourquoi quiconque se soucie du
Métavers doit aller au-delà de Second Life ; maintenant, pas plus tard)
nous remettons nos pas dans ceux, clairvoyants et confiants, de Paul Valéry.
Ce lien avec ce qui,
aujourd’hui, s’apprête à transformer « toute la technique des arts, [agissant]
par là sur l’invention elle-même, [allant] peut-être jusqu’à modifier
merveilleusement la notion même de l’art. » m’apparaît en effet
pertinent.
Et je pense d’ailleurs pouvoir
dans les mois à venir en apporter quelques preuves, en relation avec
l’incubateur MétaLectures, que j’ai lancé en janvier dernier avec l’assistance de l’association Francogrid, le premier Métavers
3D francophone libre.
Maintenant, pas plus tard…
« Le vent se
lève ! … il faut tenter de
vivre !
L'air immense ouvre et
referme mon livre,
La vague en poudre ose
jaillir des rocs !
Envolez-vous, pages tout
éblouies !
Rompez, vagues !
Rompez d'eaux réjouies
Ce toit tranquille où
picoraient des focs ! »
(Le cimetière marin).
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