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lundi 26 mars 2012

C'est quoi MétaLectures ?

J'ai eu le plaisir de pouvoir répondre assez précisément à cette question à l'occasion d'un entretien pour le blog de La Cantine numérique rennaise.
    
" Qu’est-ce que MétaLectures et que va t-elle proposer ?
MétaLectures est une île virtuelle sur le web 3D, facilement accessible depuis n’importe quel ordinateur connecté. Il s’agit d’une initiative qui a pour vocation de faire connaitre ce type d’environnement aux acteurs de l’interprofession du livre, au sens large (les enseignants et les professeurs documentalistes, des auteurs peuvent également être concernés), et d’évaluer ainsi leurs réactions et leurs attentes.
Pour l’instant MétaLectures a surtout proposé des conférences sur des thèmes et avec des intervenants apportant un éclairage original aux problématiques liées aux rapports entre la lecture et l’imaginaire. Nous avons par exemple accueilli Anne Astier, Yann Minh, Vincent Mignerot, et prochainement sans doute Karen Guillorel et Patrick Moya…
[...] Avec MétaLectures je ne viens pas avec des idées toutes faites et des solutions clés en main. C’est une sorte d’incubateur pour réfléchir tous ensemble à l’évolution du web et à l’évolution de la lecture. Les deux sont sans doute liées…
  
Pourquoi avoir créé cette plateforme dans les mondes virtuels ?
Justement parce que le web va passer à la 3D dans les années à venir et que ce type de plateforme, [...] pourrait un jour prendre la relève des réseaux sociaux 2D, tels Facebook ou Twitter pour ne citer que les plus connus, et qui ne permettent pas la même profondeur d’échanges entre internautes.
De plus, le monde du livre et de la lecture est en train de basculer de l’imprimé au numérique. C’est sur quoi je travaille depuis plusieurs années en tant que prospectiviste.
[...] Proposer aujourd’hui en 2012 cette plateforme sur un monde virtuel open source c’est, d’une part, inviter les internautes intéressés par l’évolution du livre et de la lecture à découvrir et à expérimenter ces nouveaux territoires digitaux, d’autre part, c’est explorer de nouvelles pistes pour le livre du 21e siècle. Avec la réalité augmentée, la géolocalisation, les jeux sérieux et les jeux en réalités alternées, de nouvelles expériences narratives vont prendre forme. Les supports de lecture ont toujours influencé les contenus. Le roman est né aussi grâce au dispositif du codex [...]. Avec de nouvelles interfaces de lecture connectée la fiction immersive pourrait être demain un nouveau genre littéraire.
  
Qu’est-ce que les mondes virtuels peuvent apporter de plus et/ou de nouveau au livre et à la lecture numérique ?
Il faut entendre par “virtuel” : qui “existe en puissance”, potentiellement. [...] C’est “un autre lieu” de rencontres et d’échanges, c’est au fond autre chose que le web.
Pour le livre et la lecture, [...] nous pouvons imaginer la conception de nouveaux environnements de lecture. Un exemple ? Jenny Bihouise, qui développe par ailleurs sur Francogrid le programme Ma Mairie en 3D a conçu pour MétaLectures un premier prototype : votre avatar est devant un album illustré, il le feuillette et si vous cliquez sur une scène du livre il se retrouve téléporté dans la scène en 3D. Il n’est plus devant l’image il est dedans, peut s’y déplacer etc. Pour l’heure ce n’est qu’un prototype volontairement limité pour la démonstration mais cela peut ouvrir des perspectives, non ?
  
Je souhaite assister à un évènement proposé par MétaLectures, comment faire ?
C’est simple. Créer un compte gratuit sur le site de
Francogrid puis télécharger un logiciel, gratuit lui aussi, pour pouvoir visionner le monde 3D, vous y déplacer via un avatar personnalisé et échanger avec les autres. Pour se connecter spécifiquement à MétaLectures la procédure est détaillée sur le blog dédié. Cela donne également et librement accès à l’ensemble des projets culturels soutenus par l’association Francogrid et permet de pouvoir découvrir des dizaines d’autres environnements 3D depuis son ordinateur."
 
  

jeudi 2 février 2012

Mlle X, une étudiante bizarre (ou l'ebook comme levier de croissance)

Je suis régulièrement sollicité par des étudiant(e)s. Je leur réponds toujours, même si cela me prend du temps, que leurs questions (malgré mes recommandations préalables) sont souvent très générales, et que leurs travaux, qu'ils m'envoient toujours ensuite, ne m'apportent le plus souvent pas vraiment de nouvelles idées originales, ni de nouvelles pistes de réflexion. Mais je le fais pour aider, parce que j'ai moi aussi (jadis) été étudiant.
Mais ce coup-ci je suis tombé sur une drôle d'étudiante.
Mlle X, appelons-la ainsi puisque c'est une adepte de la confidentialité, préparerait, d'après ce qu'elle me déclare dans son premier mail, un "Mastère en marketing management à l'Essec" et rédigerait dans ce cadre un mémoire sur le livre numérique. Elle a commencé par me demander de lui envoyer carrément copie du cours que j'ai donné le 09 novembre dernier à l'Université Paris 13 auprès des étudiants de deuxième année du Master Commercialisation du Livre. J'ai gentiment refusé. Elle m'a alors demandé si je voulais bien répondre à quelques questions pour enrichir son mémoire. Comme toujours j'ai accepté. Le hic, c'est qu'elle me répond ensuite qu'elle ne m'enverra pas copie de son mémoire, car elle s'est, je cite : "engagée auprès des personnes [qu'elle a] interrogées à ce qu'il reste confidentiel" ! Je lui fais gentiment remarqué que, moi aussi, je figure au rang des personnes qu'elle a interrogées (et que je m'engage à ne pas diffuser son mémoire et à n'en faire qu'une lecture personnelle). Ce à quoi voilà qu'elle me répond qu'elle préfère alors ne pas utiliser mes réponses dans son mémoire pour : "éviter des problèmes avec d'autres personnes interrogées. Aucune personne n'aura d'exemplaires et une mention CONFIDENTIEL apparaîtra sur mon mémoire".
Une conduite que je trouve étrange et qui ne m'incite guère à consacrer du temps aux demandes des étudiant(e)s. 
Cela dit, pour que mon temps n'ait pas été véritablement perdu, voici ci-après mes réponses à Mlle X. 
     
10 réponses à Mademoiselle X ;-)
 
" 1.      D’après certaines études, le livre numérique représenterait 1% du marché, voire plus en 2011. Êtes-vous en phase avec cette analyse ?
  
Il s’agit davantage d’une estimation que d’une analyse. Le chiffre exact était pour 2011, 1,6% du chiffre d’affaire de l’édition. C’est possible, mais il faut ajouter à cela les livres numériques du domaine public et quelques-uns piratés, sans compter ceux téléchargés sur des plateformes étrangères, francophones ou pas, je pense notamment au Québec. Ces ebooks n’augmentent certes aucunement le chiffre d’affaire de l’édition, mais ils participent malgré tout des téléchargements croissants de livres sous la forme de fichiers.
 
2.      Selon vous, quelle va être la croissance de ce marché dans les prochains mois ou prochaines années ?
 
Difficile à évaluer précisément, mais ce qui est certain c’est qu’il va continuer à progresser et que cette progression va être de plus en plus accélérée, au fur et à mesure que les prix des nouveaux dispositifs de lecture vont baisser, que les lecteurs vont s’équiper, et que l’offre en livres numérisés et numériques va s’étoffer et être de plus en plus attrayante. C’est depuis au moins deux ans le phénomène que nous observons aux États-Unis.
 
3.      Par conséquent, peut-on imaginer qu’à terme, le livre numérique remplacera le livre papier ?
  
Il ne fait pratiquement aucun doute, en effet, que durant ce 21e siècle de nouveaux dispositifs de lecture connectés et adaptés pour la lecture de livres numériques remplaceront progressivement les livres imprimés, tout comme, jadis, les rouleaux de papyrus ont remplacé les tablettes d’argile, avant d’être remplacés à leur tour par le codex (l’interface de lecture que nous connaissons encore majoritairement aujourd’hui, de cahiers de pages reliés entre eux et protégés par une couverture).
  
4.      Les auteurs, dont vous faîtes partie, accueillent-il sereinement cette révolution numérique ? Qu’ont-ils à y gagner et/ou à y perdre ?
       
Les auteurs sont avant tout des femmes et des hommes, des lectrices et des lecteurs. Tout dépend de chacun au fond, de sa personnalité, de son histoire. Certains sont ouverts à ce qui apparaît comme une évolution naturelle et inévitable, comme Jean d’Ormesson par exemple. D’autres, comme Umberto Eco, entre autres, sont bien plus réservés et critiques. Beaucoup cherchent à récupérer ou à mieux faire valoir les droits d’exploitation numérique de leurs œuvres. Certains peuvent se lancer dans l’autoédition, au moins pour la réédition de leurs anciens titres imprimés en versions numériques. C’est le cas récent d’Alina Reyes, par exemple.
De plus en plus il va apparaître évident que le CPI (Code de la propriété intellectuelle) et les différents textes qui peuvent réglementer le droit d’auteur, ne sont plus adaptés à un marché du numérique, fondé sur une diffusion multicanal multisupport, et qui n’est plus limité par les frontières comme les flux physiques de livres imprimés. Il faudra inévitablement que la législation s’adapte au nouveau contexte du marché du livre.
  

5.      Longtemps les éditeurs ont trainé des pieds pour se lancer dans le numérique mais depuis 2010, ils s’y lancent à fond, voire s’affolent. Seraient-ils menacés de disparition ?
  
Il faudrait relativiser en prenant en compte les spécificités du paysage éditorial français : une situation "duopolistique" déséquilibrée, avec un très grand groupe français (Hachette Livre, c’est-à-dire Lagardère Publishing), un deuxième grand mais bien moindre (Editis Planeta, avec des capitaux espagnols), peu de groupes moyens, souvent d’origine familiale (Gallimard, Albin Michel, etc.), et, une multitude d’éditeurs plus ou moins indépendants, mais en tous cas de petite taille. Nous ne pouvons pas vraiment parler « des éditeurs » en général, ou « de l’édition française ».
Cela dit, il est certain que des multinationales du numérique, telles Amazon, Google et Apple, impactent fortement le marché émergent du livre numérique, et qu’au fond, en France, seul un groupe comme Lagardère est de taille à négocier avec de tels partenaires. Aujourd’hui, une entreprise américaine de commerce en ligne comme Amazon, a la puissance financière de verser de fortes avances sur droits à des auteurs de best-sellers pour les détourner de l’édition imprimée. Cela commence à être le cas aux États-Unis où Amazon s’affirme de plus en plus comme pouvant aussi être une structure éditoriale.
Mais le plus important je pense est de signaler et d’être très attentif à l’émergence d’une nouvelle génération de maisons d’édition : à savoir des éditeurs pure-players. Un éditeur pure-player est un entrepreneur qui publie des livres exclusivement dans des formats numériques à destination des nouveaux dispositifs de lecture. J’en ai dénombré en janvier 2012, 75 de francophones. Il y en aurait bien plus en comptant les anglo-saxons !

6.      Le réseau des librairies « traditionnelles » que nous connaissons a-t-il encore un avenir ? Demain, où achèterons-nous nos livres ?
   
Nombre de librairies risquent en effet de disparaître malheureusement. On commence à observer le phénomène aux États-Unis. Il faut espérer que certains s’adaptent à la nouvelle donne et parviennent à maintenir des boutiques en ville en les doublant de sites web performants et attractifs avec des services associés, et en s’inscrivant dans la perspective du commerce connecté qui va de plus en plus se développer. Il est vital pour elles que les librairies ne se déconnectent pas de l’évolution du commerce de détail en général. Il semble sinon évident que, comme nombre d’autres biens culturels (musiques, films, jeux vidéos…) les livres vont de plus en plus être téléchargés, achetés en ligne, voire consultés en streaming sur abonnement.

7.      Quant aux lecteurs, pensez-vous que le livre numérique s’adresse à une catégorie particulière d’entre eux ?
   
A priori non. Potentiellement toutes les catégories de lecteurs sont concernées. La majorité d’entre eux est, plus ou moins, régulièrement en contact avec des dispositifs numériques et beaucoup ont déjà acquis de nouvelles habitudes de lecture et de recherche d’information sur le web.

8.      Y a-t-il un risque à laisser Google numériser nos bibliothèques ? Si oui, de quelle nature ?
      

La question est beaucoup trop vaste pour pouvoir y répondre exhaustivement ! Plusieurs livres entiers y ont été consacrés. Tout dépend des droits que s’arroge Google en contrepartie. Cela relève de la négociation contractuelle entre Google, les bibliothèques, et les ayants-droits sur les livres (éditeurs et auteurs). Ce qui est certain c’est que, comme tous les textes n’ont pas pu être imprimés quand nous sommes passés au 16e siècle de l’édition manuscrite à l’édition imprimée typographique, aujourd’hui, tous les livres imprimés ne pourront pas être numérisés.
      
9.      Selon vous, faut-il travailler dès à présent sur des contenus enrichis ou est-il plus pertinent, compte-tenu du niveau de maturité du marché, de proposer des livres numériques « de base » qui semblent plus accessibles aux lecteurs ?
    
Il faut en fait, dans la période de transition où nous sommes, distinguer trois marchés : celui des livres imprimés, celui des livres numérisés (dits homothétiques, c’est-à-dire qui sont de simples numérisations de contenus imprimés), et, celui des livres numériques (livres applications nativement numériques, avec des enrichissements multimédia). Ce sont ces derniers qui sont développés par les éditeurs pure-players et qui peuvent donner une idée de ce que sera à terme l’édition du 21e siècle.
Ce qui serait capital je pense c’est que l’édition imprimée expérimente et innove davantage, d’une part, pour proposer elle aussi des contenus nativement numériques (Gallimard, Albin Michel, Flammarion, entre autres ont commencé, Nathan et Hatier également pour les manuels scolaires), d’autre part, pour proposer aux lecteurs des livres hybrides, proposant des passerelles, des complémentarités, entre livres imprimés et dispositifs de lecture numérique (je pense par exemple aux QR Codes, ou à des solutions innovantes qui permettraient d’enrichir des ouvrages imprimés non numérisés…).
  
10.  L’État a-t-il un rôle à jouer dans la révolution numérique que connaît le secteur de l’édition ?
  
Oui et non. En France le rôle de l’État dans les affaires culturelles est très marqué. Cela peut être protecteur, vis-à-vis des libraires par exemple, avec la loi sur le prix unique du livre, puis celle récente sur le prix unique du livre numérisé. Mais cela peut aussi être disqualifiant et contraignant par rapport à l’étranger ou à des entreprises localisées en dehors des frontières françaises. Il faut de plus prendre en compte les réglementations européennes. Nous ne pouvons plus au 21e siècle concevoir le marché du livre uniquement sur un périmètre hexagonal, ni même exclusivement francophone.

Il faudrait davantage d’adaptabilité et de souplesse par rapport à la nouvelle donne provoquée par le numérique, notamment pour que des agents littéraires puissent coacher et défendre les intérêts contractuels et économiques des auteurs, pour que des business angels investissent massivement dans le secteur de l’édition numérique, pour que les nouveaux métiers de l’édition numérique et que les techniques narratives d’écriture multimédia soient enseignés, notamment aux auteurs, à l’université par exemple, sur le modèle des cours de creative writing aux États-Unis."

jeudi 12 janvier 2012

Sur le destin du livre dans La Règle du Jeu

Le site web de La Règle du Jeu, la revue de Bernard-Henri Lévy, me consacre un bel entretien autour de la question : Vers une mort programmée du livre ?
Un entretien avec Sophie Dubec et Raphaël Denys dans lequel j'ai eu l'occasion de m'exprimer longuement et d'aborder plusieurs points pour moi essentiels dans ma recherche en prospective du livre et de l'édition.

jeudi 5 janvier 2012

Et si l'avenir du livre passait par les mondes "virtuels" ?

Dans la foulée du lancement ce 1er janvier 2012 du blog compagnon de mon projet MétaLectures (découvrir ce nouveau blog ici...), je me permets de vous recommander l'entretien que je viens d'accorder à Marc Fulconis pour son blog Lokazionel.
Lokazionel est un blog de référence sur la veille dans le métavers (notamment ce qui relève du "Social Network" et du e-learning dans Second Life et OpenSim).
Intitulé : L'édition numérique s'ouvre à de nouvelles structures narratives, j'ai l'occasion dans cet entretien de préciser mon projet MétaLectures et d'évoquer certains points que je considère particulièrement importants...
  
Extraits de l'entretien
  
" MétaLectures s'adresse avant tout aux acteurs de l'interprofession du livre. Les bibliothécaires qui souhaiteraient dupliquer leur bibliothèque sur le web 3D ou bien, par exemple, expérimenter de nouvelles formes de médiations avec leurs usagers. Les éditeurs pure-players désireux de découvrir les possibilités que pourrait leur apporter ce type d’environnement. [...]
Beaucoup, en effet, ne connaissent pas l’existence de l’OpenSimulator, le serveur open source utilisé pour héberger ces environnements 3D. Ils restent négativement influencés par la mauvaise image que les médias français ont donné il y a quelques années de Second Life. Je pense qu’ils n’ont pas encore saisi que ce que nous appelons : «le Métavers», n’est en aucune façon un jeu en ligne, mais, bel et bien, un univers digital 3D qui est en train de se constituer, de prendre forme.
Dans ce méta-univers les internautes avatarisés peuvent se déplacer, communiquer et interagir, déjà pratiquement comme dans la réalité. A terme, la convergence avec l’Internet des objets et la réalité augmentée, va imbriquer l’univers physique (celui que nous percevons avec nos cinq sens très limités), et, ce métavers numérique. Je crois pouvoir dire que le métavers sera un jour à l’univers, ce que la métaphysique est à la physique : une clef pour comprendre le monde. Bien évidemment pour celles et ceux qui sont ouverts à une certaine liberté d’esprit ! [...]
  
Ces deux mouvements, l’évolution du web vers la 3D, d’une part, et, l’évolution du livre vers le transmédia, d’autre part, convergent naturellement. Et il faut que l’édition expérimente et innove. Il faut que les bibliothécaires et les libraires se familiarisent avec ce web de demain [...]
  
Au-delà de ce partenariat avec FrancoGrid, je peux toujours potentiellement intervenir, notamment pour des conférences sur ces questions de l’avenir de la lecture, tant IRL que sur toutes les «grids». Et je compte aussi rester, et présent et vigilant, sur Second Life (via mon avatar Nzo Babenco). En 2007 j’y avais donné la première conférence «voice chat» en français. C’était dans le cadre de La Bibliothèque francophone du Métavers. Des pionniers comme j’aimerais qu’il y en ait bien plus en France ! "
  

samedi 12 novembre 2011

Entretien sur le développement de l'édition numérique

Dans le cadre de la préparation de la table ronde "De l'imprimé au numérique : une nouvelle génération d'éditeurs", que je présenterai et animerai le 16 novembre 2011 à La Cantine numérique rennaise, j'ai eu le plaisir de répondre à une brève interview réalisée par Anthony Chénais.
Extraits
  
" - Où en est l'édition numérique en France ?
L.S. : [...] Derrière ces chiffres il faut considérer que la situation évolue rapidement et que le réseau de distribution est en train de basculer en faveur du livre numérique. En France précisément, l’offre de nouveaux dispositifs de lecture se développe et à des prix de plus en plus attractifs. Pour Noël 2011 quinze « e-readers » sont proposés à moins de 150 euros, dont certains en grandes surfaces, comme le Kobo by Fnac, la nouvelle tablette de lecture proposée par la Fnac. Le catalogue de titres francophones disponibles est de plus en plus étendu et intègre les nouveautés. De plus, l’augmentation annoncée par le gouvernement le 07 novembre 2011 d’une augmentation de 5,5 à 7% de la TVA sur le livre imprimé, devrait être défavorable à ce dernier. Nous pouvons donc nous attendre à un développement accéléré de l’édition numérique, reste à savoir dans quelles conditions…

- Quelle est la plus-value de ce type d’édition ?
Je définis les éditeurs « pure-players » comme : des entrepreneurs qui publient des livres exclusivement dans des formats numériques à destination des nouveaux dispositifs de lecture. Cette forme d’édition s’inscrit pleinement dans le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique que nous vivons. Elle répond aux évolutions des pratiques et des usages des lecteurs. Notamment avec le web, nous nous sommes tous habitués ces dernières années à de nouvelles pratiques de lecture : une lecture plus fragmentaire et multimédia, sociale, et de plus en plus souvent connectée. Le seul fait que l’imprimé ne soit pas directement hypertextuel est devenu un handicap. Aujourd’hui, nous le voyons bien avec la presse écrite, l’imprimé ne peut plus suivre le rythme de nos usages, ne peut plus satisfaire les attentes des mobinautes de plus en plus nombreux.

- Est-il possible qu’il n’y ait bientôt plus que des éditeurs pure-players ?
Bientôt, non. Mais un jour, oui. Si nous osons un parallèle avec le passage de l’édition manuscrite à l’édition imprimée, la période des incunables a duré 51 ans. [...] Raisonnablement nous pouvons penser qu’édition imprimée et édition numérique vont coexister au moins durant la première moitié de ce 21e siècle."


lundi 14 mars 2011

La lecture va se développer dans des directions multiples

Sur MyBoox
J'ai le plaisir, via une interview réalisée par Chahine Benabadji de l'agence Relaxnews (agence d'information sur les loisirs) de faire un petit point sur les livres et la lecture numériques, à quelques jours de l'ouverture du Salon du livre de Paris ;-)

Extraits

" Relaxnews : On parle beaucoup de livre numérique depuis quelques années, mais le marché tarde à décoller. Pourquoi la révolution annoncée a-t-elle du mal à se mettre en marche ?

Lorenzo Soccavo : Les causes sont multiples. Tout d'abord, les nouveaux dispositifs de lecture proposés sur le marché ne sont pas encore assez performants et restent chers. Ensuite, l'ensemble du marché du livre, avec son organisation, la législation qui s'y applique, et sa chaîne de valeurs, est structuré pour un marché physique du livre imprimé. Les récentes perquisitions par les services de la concurrence de la Commission européenne [...]

- Quels sont les obstacles majeurs à franchir pour réaliser la mutation livre imprimé vers livre numérique ? Le rapport particulier du lecteur à l'objet livre papier est-il justement un frein au développement de ce marché ?

Les lecteurs ne sont pas des freins car nous observons tous qu'avec le Web les pratiques de lecture ont déjà changé. Nous voyons s'installer une lecture plus fragmentaire, sociale, avec une forte implication des lecteurs, et connectée. Il est vrai cependant qu'il y a un certain asynchronisme naturel entre l'évolution des nouvelles technologies et les pratiques des usagers. Mais les freins viennent surtout de l'interprofession du livre à mon avis. Il lui faudrait développer une analyse stratégique de la situation de crise que nous traversons, le passage de l'édition imprimée à l'édition numérique, et de ses perspectives, qui ne soit pas exclusivement financière. [...]

- Face à l'offre - quelque peu confuse - de tablettes, de liseuses, de formats, et de kiosques numériques disponibles en France, comment le lecteur s'y retrouve-t-il ?

Je pense qu'il ne s'y retrouve pas. Il attend. S'il est plus technophile, il se renseigne et se documente sur le Web. Mais le manque d'information dans les grands médias et l'absence d'un véritable média professionnel sur ce passage de l'édition imprimée à l'édition numérique et à ses enjeux est vraiment préjudiciable je pense. [...]

 
- Faut-il craindre en France l'arrivée et la percée de géants américains, comme Amazon, Apple et Google, dans le circuit de distribution des livres numériques ?

N'est-il pas déjà trop tard ? [...] S'il reste un espoir, pour que l'édition française ne tombe pas entre les mains des majors anglo-saxonnes du divertissement de masse, il est je pense dans le vivier de jeunes maisons d'édition nativement et 100% numériques. Je pense naturellement à Numeriklivres et à Publie.net, mais ces nouveaux éditeurs qui cherchent à construire l'édition du XXIe siècle sont en fait de plus en plus nombreux.

- En achetant aujourd'hui une liseuse, le lecteur semble lié au catalogue constitué par le fabricant en partenariat avec les éditeurs. Sera-t-il un jour possible, avec le même terminal, d'accéder à toutes les ressources littéraires disponibles en ligne ?

[...] Nous pouvons l'espérer mais il ne faut pas rêver. Ce ne sera pas pour tout de suite. Pour l'heure la tendance est de chercher à reproduire pour le marché du livre numérique les mêmes canaux de rentabilité que pour le livre imprimé. Un risque est que les livres finissent comme des produits à moindre coûts dans des offres multi-play d'opérateurs téléphoniques et de fournisseurs d'accès à internet. Google dit vouloir proposer un autre modèle plus ouvert, mais quelle visibilité avons-nous sur les ambitions et les objectifs de Google ?

- Le marché du livre numérique est-il plus mature aux Etats-Unis ?
[...]

- Quelle est votre vision du lecteur du futur ?

Tout dépend à quel horizon nous imaginons ce futur. Je pense qu'avant la fin de ce siècle, avec la conjonction de l'Internet des objets, de la réalité augmentée et de la 3D, ce que nous appelons aujourd'hui lecture va se développer, s'épanouir, dans des directions multiples. La porosité va être de plus en plus importante entre notre quotidien et les territoires digitaux. Il faut penser la lecture au-delà du livre, dans le contexte de computation du réel : comment allons-nous interagir avec un environnement intelligent au sein duquel nos fictions pourront prendre formes ? Historiquement, chaque évolution importante des techniques d'écriture et d'impression a eu des répercussions sur la lecture, et les changements dans les pratiques de lecture ont toujours engendré d'importants bouleversements dans les sociétés. Qui sait si demain un nouvel humanisme ne pourrait pas se fonder sur les pratiques partagées d'écritures-lectures transmédia que nous commençons juste à aborder ?

- Possédez-vous une tablette ou une liseuse ? Si oui, quelles sont vos impressions sur les fonctions et les usages de lecture ?
[...] ..."

Lire l'intégralité sur le site de MyBoox ou de Comment ça marche ? 

mardi 1 mars 2011

Quelle Bibliothèque pour Demain ?


J'ai eu ce week-end le plaisir de pouvoir m'exprimer sur L'Express .fr dans le cadre d'un entretien donné à Elodie Bousquet :
L'occasion de revenir sur mon récent essai "De la bibliothèque à la bibliosphère : les impacts des livres numériques sur les bibliothèques et leur évolution" aux éditions NumérikLivres (Collection Comprendre le Livre Numérique) et d'expliciter ce que j'y entendais précisément par cette notion de : bibliosphère.

Extraits

"Où en est-on avec le numérique dans les bibliothèques françaises aujourd'hui ?

L.S. : Des bibliothèques expérimentent... mais le plus souvent séparément, sans plan d'ensemble concerté. Certaines testent le prêt de liseuses. Je pense que cela est surtout pertinent pour familiariser les bibliothécaires eux-mêmes avec les nouveaux dispositifs de lecture. [...]

Et à l'étranger ?
Les deux premières bibliothèques sans livres ont ouvert leurs portes l'été dernier aux Etats-Unis. C'est une nouvelle façon de concevoir la mission des bibliothèques, au-delà de leur vocation patrimoniale. On peut se demander s'il est pertinent d'aller dans une bibliothèque pour être comme chez soi, face à son ordinateur portable. Pourtant, il suffit de fréquenter ces lieux pour constater [...]

Hormis ces bibliothèques sans livres, que peut-on envisager d'autre comme évolutions ?
Les dix prochaines années vont être très riches. L'iPad ne nous donne qu'un aperçu des livres numériques augmentés du 21e siècle. L'Internet des objets, la réalité augmentée, avec la 3D, et l'intelligence artificielle vont converger et seront autant de portes de communication entre ce qu'on nomme le réel et le virtuel, le matériel et l'immatériel. [...]

Est-ce en quelque sorte cela "la bibliosphère" ?
Oui, en effet. Dans mon livre ce que j'appelle "bibliosphère" est la bibliothèque unique qui tisse sa toile sur la planète entière. Cela peut rappeler Borges ou Neal Stephenson, mais aussi Google Livres.
Avec cette convergence, d'une part, de la dématérialisation des contenus et de la mise en réseau des bibliothèques, et d'autre part, de l'équipement des personnes avec de nouveaux dispositifs de lecture connectés, nous allons vers une extension du domaine des bibliothèques "en dur".
Je crois que celles-ci vont évoluer vers ce que nous pourrions appeler des "bibliothèques-hub" à trois niveaux: l'un physique, auquel nous sommes bien habitués, le second, numérique -sans être simplement un serveur de textes numérisés- qui servirait d'interface avec le troisième niveau ; celui de la bibliothèque virtuelle, telle que l'on commence à en tester dans le métavers.
Pour l'instant on pense à Second Life et on sourit. Mais un jour Google Earth pourrait bien en quelque sorte dupliquer le monde physique. Avec l'Internet des objets et le développement des solutions de réalité augmentée, la porosité va être de plus en plus importante entre ce que nous qualifions, trop facilement, de réalité et de virtualité."

mercredi 16 février 2011

De la Bibliothèque à la Bibliosphère explose le blackout tacite !

J'ai le plaisir de pouvoir m'exprimer dans les colonnes de Presseedition.fr ("L'actualité des Médias, de l'Edition et de la Communication") sur mon choix d'être édité aux éditions 100% numériques NumérikLivres, sur le message que j'ai voulu faire passer dans mon livre "De la Bibliothèque à la Bibliosphère, les impacts des livres numériques sur les bibliothèques et leur évolution", ainsi que sur la nouvelle collection : "Comprendre le Livre Numérique" dont Jean-François Gayrard m'a confié la direction, et, enfin, sur ce que je pense de l'accueil qui fut réservé à mon livre.
Tout cela en quatre questions réponses. A lire ici... 

Extraits de l'interview

"Vous venez de publier « De la Bibliothèque à la Bibliosphère : les impacts des livres numériques sur les bibliothèques et leur évolution… », chez NumérikLivres un éditeur franco-québécois 100% numérique, pourquoi ce choix ?

Lorenzo Soccavo : Cette jeune maison, créée au printemps 2010 par Jean-François Gayrard et Gwen Catalá, représente bien je pense les tendances d’une nouvelle génération et d’une nouvelle manière de concevoir l’édition.
Une maison, en l’occurrence franco-québécoise, mais dont les collaborateurs peuvent être disséminés sur la planète entière, qui ne publie que des livres nativement numériques avec des contrats d’édition adaptés, qui utilise les réseaux sociaux pour les promouvoir, les propulse sans DRM à des prix abordables (le mien est à 1,99 €) et assure, tant leur diffusion sur les principales plateformes de téléchargement, que leur lecture agréable sur les principaux nouveaux dispositifs de lecture, que ce soit les tablettes à encre électronique ou le fameux iPad, entre autres. Une véritable diffusion multicanal multisupport.
Pour un auteur, et un observateur comme moi du passage de l’édition imprimée à l’édition numérique justement, c’était une expérience intéressante à tenter. Quand Jean-François Gayrard m’a proposé cette aventure et m’a dit que François Bon nous ferait l’amitié d’une préface : je n’ai pas hésité une seconde !

L’avenir que vous imaginez aux bibliothèques dans votre livre peut apparaître assez futuriste. Ne craignez-vous pas de heurter les bibliothécaires ?

Lorenzo Soccavo : En fin de compte j’imagine assez peu ! Avec cette nouvelle discipline que je m’efforce de promouvoir : la prospective du livre et de l’édition, les mutations que traversent actuellement le livre et son marché sont systématiquement remises dans une perspective historique. Pour écrire ce livre, je me suis appuyé, d’une part, sur le travail des historiens, d’autre part, sur les résultats de mon travail de veille.
Il y a quelques années quand je disais dans des conférences que nous verrions un jour des bibliothèques sans livres, certains me prenaient pour un fou. Or, durant cet été 2010 deux bibliothèques sans livres ont ouvert leurs portes, à Stanford, puis à San Antonio au Texas. Quand j’écris aujourd’hui que les bibliothèques vont évoluer vers des bibliothèques-hub à trois niveaux [...] quand je dis cela aujourd’hui, mes informations sont aussi fiables que lorsque j’annonçais des bibliothèques sans livres.
L’Internet des objets, la réalité augmentée et l’intelligence artificielle vont réellement nous faire passer des bibliothèques à la bibliosphère. Ce sont précisément ces voies qui nous sont tracées que j’explore dans "De la bibliothèque à la bibliosphère".

Ce livre est le premier d’une collection dont l’éditeur Jean-François Gayrard vous a confié la direction. De quoi s’agit-il et comment comptez-vous la développer ?

Lorenzo Soccavo : Cette collection s’appelle précisément : "Comprendre le livre numérique". Cela indique assez clairement son ambition je pense, qui est d’expliquer et d’analyser les enjeux et les perspectives de l’édition numérique à tous les acteurs de l'interprofession du livre, au sens large : auteurs, documentalistes, enseignants, etc., sont eux aussi concernés, mais également tous les lecteurs qui veulent tout simplement essayer de comprendre les impacts et les enjeux du passage de l'édition imprimée à l'édition numérique.
Nous pensons publier un titre par mois, excepté au creux de l’été. Les premiers à paraître traiteront de la lecture sociale, de la BD numérique, des manuels scolaires et des albums augmentés… Je travaille aussi avec des auteurs qui aborderont d’autres aspects essentiels de ce passage de l’édition imprimée à l’édition numérique : comme l’après papier, en effet : sur quels supports lirons-nous demain ? Ou bien encore concernant les indispensables évolutions du cadre législatif et du droit d’auteur qui ne sont plus adaptés.
Il s’agit d’ouvrages de commande [...] Cela dit, je reste ouvert à toutes propositions spontanées, ainsi qu’à toutes suggestions de thèmes. Un blog compagnon a été lancé pour soutenir, poursuivre et développer en ligne l’ambition pédagogique de la collection.

L’essentiel du marché du livre reste cependant concentré sur l’édition imprimée. Ne pensez-vous pas que cela est handicapant ? Comment dans ce contexte percevez-vous l’accueil fait à votre livre ?

Lorenzo Soccavo : Lentement mais irréversiblement le marché est en train de basculer. Non pas parce que je le souhaiterais personnellement, ce n’est pas le cas, mais, tout simplement, parce que le monde change continuellement et que les pratiques de lecture évoluent. Je pense qu’il est important de prendre aujourd’hui clairement position. Il est pour moi capital d’informer sur le devenir du livre et de la lecture. Malheureusement la plupart des éditeurs sont frileux à publier sur ces sujets et les médias grand public ne semblent pas avoir encore pris conscience des enjeux. Quant aux experts et aux consultants, beaucoup sont tout autant dans l’immédiateté. Souvent le plus important pour eux n’est pas l’évolution des pratiques de lecture avec ses enjeux sociétaux et culturels, mais d’occuper de bons postes, de siéger dans des commissions, de dire et de vendre aux éditeurs ce pour quoi ils sont prêts à les payer.
Les années 1971, avec le lancement du Projet Gutenberg par Michael Hart, à disons 2050 au plus tard, sont au moins aussi importantes que celles dites des incunables, les premiers livres imprimés sur la période 1450-1500, ou les décennies du passage des tablettes d’argile aux rouleaux de papyrus.
Pour les véritables amoureux des livres et de la lecture nous vivons une époque formidable ! Et, qu’on le veuille ou non, force est de constater que Facebook et Twitter ont explosé le blackout tacite autour de mon livre et du lancement de cette collection."

Tout le monde est impliqué
 
CQFD ! A lire aussi d'ailleurs la chronique d'Elizabeth Sutton : "De la bibliothèque à la Bibliosphère : un ebook majeur" :
"Le livre est en train de vivre sa révolution, une mutation profonde s’opère, inéluctable. Les maisons d’éditions se transforment, les libraires réfléchissent à comment s’adapter, les pouvoirs publics s’en mêlent. Tout le monde est impliqué, du lecteur à l’auteur, de l’éditeur à l’imprimeur, du graphiste à l’informaticien. Les bibliothèques s’insèrent dans cette mutation, souvent oubliées elles jouent pourtant un rôle fondamentale dans ce bouleversement.
Le livre de Lorenzo Soccavo "De la Bibliothèque à la Bibliosphère" traite justement de ce sujet des bibliothèques, publiques ou municipales elles ont un rôle majeur à jouer vis-à-vis du lecteur et dans la conservation du patrimoine. Les compétences vont changer, les services proposés aux usagers également. L’approche des technologies va devoir être préemptée de façon différente..."

mardi 25 janvier 2011

Lectures Digitales - Institut du Numérique Université Paris Ouest


J'ai le plaisir de participer à l'organisation des premières rencontres du club "Humanités et sociétés digitales", qui se dérouleront le mercredi 23 mars 2011 sur le thème des LECTURES DIGITALES, et qui s'inscrivent dans un cycle consacré aux consommations numériques, mené par l'Institut du Numérique de l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense.

L'Institut du Numérique vient de lancer son site dédié et m'a en cette occasion posé quelques questions sur la digitalisation de l'édition et ses impacts sur la lecture...


Extrait de l'interview

"OuestDigital : Au-delà de la question de la structure de l'industrie qui occupe naturellement les esprits, on peut s'attendre à des modifications substantielles de la manière même de lire. Lesquelles vous semblent les plus significatives ?

Lorenzo Soccavo : Le Web 2.0 a déjà modifié nos comportements de lecture. Ces mutations migrent aujourd'hui sur des dispositifs connectés comme les smartphones et les tablettes Internet comme l'iPad. Nous entrons ainsi dans une phase sans doute capitale d'éditorialisation du Web. Et concernant la lecture nous pouvons en effet déjà distinguer au moins trois tendances : – Une lecture plus fragmentaire, corollaire d'une lecture enrichie : la lecture devient moins linéaire et davantage extensive, au-delà du texte, elle s'ouvre au multimédia... – Une lecture dite sociale, corollaire du développement des réseaux sociaux : une lecture commentée, partagée sur les réseaux sociaux, enrichie par l'écriture de lecteurs contributeurs... – Une lecture connectée, corollaire du développement du cloud computing : une lecture en streaming sur le modèle de l'écoute de la musique."

lundi 13 décembre 2010

Mutation du livre mais pensée unique ?

J'ai eu le plaisir de répondre à quelques questions pertinentes de Stella Terrat, pour son blog de Vita Cogita, société spécialisée dans la commercialisation d’œuvres numériques multimédia sur le développement durable.

Extraits

"VitaCogita : Globalisation, pensée unique et best-sellers versus diversité culturelle, mirage ou réalité ?

L.S. : Le numérique en général et Internet en particulier vont certainement nous faire entrer dans une nouvelle ère. Ils sont en train de le faire. Cela dit il ne s’agit quelque part que d’outils. Qu’en ferons-nous ? Comment les utiliserons-nous ? Ce ne sont jamais les armes qui déclarent les guerres, mais les hommes !
Certes, en prenant un peu de recul, nous voyons bien que le marché du livre est tombé en plein dans le panneau de la société du spectacle et aujourd’hui dans celui de la culture mainstream. Le monde du livre s’est financiarisé et avec le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique le livre va devenir un média à part entière et probablement glisser (presque) intégralement dans les mains et les portefeuilles des industries du divertissement. Mais, d’un autre côté, il est incontestable que nous avons toutes et tous une certaine marge de manœuvre, d’innovation, de créativité, et en tous cas la possibilité de se saisir et d’utiliser les outils du numériques, dont certains sont libres. Fan-fictions et machinimas en attestent. La digitalisation de l’édition peut également favoriser la bibliodiversité.
Pour les pays en voie de développement le passage d’une édition imprimée à une édition numérique peut ouvrir de véritables opportunités, avec une renaissance des langues nationales par rapport à celles des anciens colonisateurs. Ce qui, par associations d’idées, me fait poser cette question : quid de la francophonie face à cette « world littérature » que vous évoquez ?
Ce qui est le plus symptomatique cependant de la pensée unique à mon avis, particulièrement germanopratine est, alors que livres et lecture sont en pleine mutation, l’absence ou presque d’ouvrages (papier) sur ces sujets !

Le libraire est-il le maillon faible de la filière du livre ? Peut-il véritablement muter dans l’univers numérique tout en apportant une réponse aux lecteurs, ancrée dans le territoire ?
[...]
Que pensez-vous des rentes technico-commerciales des prescripteurs d’aujourd’hui (de type Apple, Amazon, Fnacbook…) ? Le lecteur n’est-il pas pris en otage en devenant un consommateur encadré ?
[...]
La stratégie du géant américain Google pour les livres numériques vous apparaît-elle plus ouverte pour l’ensemble des acteurs de la chaine du livre ?

L.S. : A priori non. Nous n’avons au fond, malgré toutes les analyses, que peu de visibilité sur les finalités du développement hégémonique de Google. [...] Je pose moi la question : Google sera-t-il la Tour de Babel de ce 3e millénaire ?

Pensez-vous que le numérique et ses nouveaux usages (liseuses, tablettes…) peuvent renforcer l’alphabétisation, l’apprentissage ou la formation ?
[...]
Pour finir et pour parler pratique, le témoignage d’un expert : Possédez-vous une liseuse ou une tablette de lecture ? Comment l’utilisez-vous ? Vos impressions ?
 [...]"

vendredi 5 novembre 2010

Que la TV ne gagne pas le livre numérique, questions réponses sur Livrelle

Content de signaler la mise en ligne du petit jeu de questions-réponses, avec Isabelle Crouzet et Sara Doke, sur Livrelle, projet qui a vu le jour à l'occasion de la 12e édition du Salon international du livre insulaire à Ouessant, en août dernier.

Six questions, auxquelles je ne donne ici que la sixième réponse (les autres à découvrir sur le site de Livrelle) :


Qu’attends-tu d’un livre ?  ...
Qu’est-ce que tu ne veux pas trouver dans un livre ? ...
Qu’est-ce que tu attends d’une île ? ...
Qu’est-ce que tu détestes dans une île ? ...
Qu’attends-tu d’un livre électronique ou d’une liseuse de livres électroniques ? ...
Qu’est-ce que tu ne veux pas trouver dans un livre électronique ?
L.S. : La télévision, pour moi assommoir du 20ème siècle.

Sixième réponse, plus pertinente qu'il ne parait : les conversations germanopratines bruissent en effet parfois d'étranges rumeurs que je sais fondées. Par exemple, que certaines agences de productions audiovisuelles s'intéressent de plus en plus au livre numérique, au livre augmenté, etc.
Le livre numérique des années 2020-2030 aura sans doute si peu à voir avec ce que nous appelons aujourd'hui "un livre", qu'il se pourrait même, peut-être, que les deux formes, livre imprimé, et, livre numérique, coexistent dans le temps (?). Qui sait ?

Dernière réflexion que m'inspire cette modeste participation au petit jeu d'Isabelle et de Sara : sur le bandeau figure une photographie d'Nzo Babenco, mon avatar sur Second Life.
Second Life aujourd'hui semble s'épuiser. Des rumeurs de rachat par Microsoft reviennent régulièrement. Reste que cela a été et pourrait redevenir un laboratoire du futur web 3D pour les professionnels du livre et de son marché, alors que l'édition numérique s'impose chaque jour davantage.
Via Nzo je reste présent sur Second Life et à l'écoute des acteurs de l'interprofession du livre.

mercredi 3 novembre 2010

Penser l'économie du livre numérique, interview sur ULNmag

J'ai eu le plaisir d'être interviewé par Guillaume Dumoulin pour le site Univers du Livre Numérique, sur le thème : Penser l'économie du livre numérique.

Extraits :
"En tant que spécialiste de l'industrie de l'édition et fin observateur du développement du livre numérique, je souhaiterais connaître votre analyse de la mutation du modèle économique de l'édition face à l'arrivée des NTIC. Comment l'industrie traditionnelle du livre papier peut-elle profiter du développement de l'usage du numérique dans la transmission des savoirs et des oeuvres de l'esprit ?

L.S. : Je ne me définirais pas vraiment comme un "spécialiste de l'industrie de l'édition". Mon activité consiste d'abord à observer et à réfléchir les évolutions du livre et de la lecture. J'interviens alors comme auteur sur ces questions, ou comme conférencier. Ensuite, je peux également faire profiter concrètement les différents acteurs de l'interprofession du livre des fruits de ce travail. Il s'agit alors simplement d'appliquer, en les adaptant aux spécificités du secteur du livre et de son marché, des méthodes de prospective. L'objectif étant justement de pouvoir mettre en place de nouvelles formes possibles d'organisations socio-économiques, de nouvelles chaines de valeur, afin de mettre en œuvre des stratégies de développement qui restent pertinentes à moyen terme, compte tenu de l'accélération que nous observons tous dans les technologies et dans les usages. [...]
 
Face à la multiplicité des offres de liseuses numériques, de formats pour les livres, de verrous numériques, comment un lecteur souhaitant découvrir la lecture numérique peut-il s'y retrouver? Et finalement quels gains peut-il en tirer ?
...  .... ...
 
Vous parliez de "mettre en place de nouvelles formes possibles d'organisations socio-économiques, de nouvelles chaines de valeur", quelles sont ces nouvelles formes d'organisations, ces nouvelles chaînes de valeur ? Quelle place pour les acteurs du livre papier, quelle place pour les "pure players" ?
... ... ...
 
Il s'agit donc d'innover, tant dans les formes éditoriales que dans le service proposé au lecteur. Quelles sont les propositions qui vous semblent le plus satisfaire à cette nécessité ? Avez-vous des exemples de mise en oeuvre en France et dans le Monde ?
... ... ...
 
La Fnac vient d'annoncer la sortie du FnacBook au mois de novembre, Orange lance avec Samsung et la GalaxyTab un service de ventes de périodiques et de livres numériques, Read&Go, pensez-vous que ces initiatives vont permettre de faire décoller un marché aujourd'hui encore très confidentiel ? La tendance de grands groupes a vouloir investir dans des offres globales vous paraît-elle servir la nouvelle chaîne du livre ou bien représente-t-elle une menace pour une économie culturelle en recherche d'un modèle adapté à la pluralité des acteurs ?
... ... ...
 
Le Sénat vient d'adopter la proposition de loi sur le prix uniqe du livre numérique, cette loi porte uniquement sur les livres dits homothétiques, pensez-vous que le législateur peut réellement intervenir sur un marché qui devient global ? Dans le marché du livre papier, les libraires indépendants ont pu rester concurrentiels grâce à la Loi Lang du prix unique du livre. A quoi cette loi peut-elle servir dans un contexte de marché naissant, qui cherche-t-on à protéger ? Ne pensez-vous pas qu'un travail législatif visant à harmoniser le taux de TVA réduite du livre papier au livre numérique serait plus profitable au secteur ?
... ... ...."
 

mardi 2 novembre 2010

IDBOOX Cinq questions sur le devenir du livre

Elizabeth Sutton m'a fait l'amitié de m'interviewer dans le cadre du lancement de son portail IDBOOX : "Le portail qui vous tient informé au plus près de l’actualité du livre numérique en France et à l’étranger".
J'ai, avec plaisir, joué le jeu des "trois principaux messages", "trois erreurs", etc., et j'espère avoir formulé quelques idées intéressantes sur IDBOOX ;-)

Extraits :

" E.S. : Vous vous positionnez depuis plusieurs années dans la Prospective concernant l’industrie du livre. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

L.S. : Je pense simplement que l’on peut mieux construire l’avenir en connaissant l’histoire. Comme je le dis souvent : C’est avec les lumières du passé qu’on se dirige dans l’avenir. Il s’agit concrètement d’utiliser pour le monde du livre, qui a une histoire ancienne et culturellement très prégnante, certains des outils de la prospective, notamment la veille stratégique, mais, en les utilisant dans une perspective transhistorique.
Je distingue la prospective du livre, et, la prospective de l’édition.
La prospective du livre est l’étude des évolutions et des mutations des livres, conçus en tant que dispositifs de lecture, c’est-à-dire comme des interfaces lecteurs/livres.
La prospective de l’édition est la discipline qui s’applique à expliciter et à représenter les transformations et les nouvelles formes possibles d’organisations socio-économiques dans le secteur du livre et de son marché, afin d’y mettre en œuvre des stratégies de développement. Au-delà la théorie, les applications pratiques sont nombreuses.

Quels sont les 3 principaux messages que vous voudriez faire passer aux acteurs de la chaine du livre ?
… … …
Quelles sont les 3 erreurs à ne pas commettre quand un éditeur décide de passer au livre numérique ?
… … …
Concernant les auteurs, les éditeurs, les libraires, quel est l’enjeu majeur d’ici à 3 ans concernant le livre numérique ?
… … …

E.S. : Vous êtes l’auteur de Gutenberg 2.0 : Le futur du livre, avez-vous d’autres projets d’ouvrages en préparation ?

L.S.: Oui, plusieurs. Gutenberg 2.0, réédité en 2008, est aujourd’hui en partie obsolète. Il est consultable sur Google Books. J’ai publié aussi en 2009 un Livre blanc sur la Prospective du Livre et de l’Edition, qui est téléchargeable gratuitement à la bibliothèque numérique de l’Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib).
Avec les mutations que traverse actuellement l’interprofession, des auteurs aux lecteurs, tous auraient besoin d’informations et d’analyses claires. Mais il semble malheureusement que l’édition rechigne à éditer des livres dont elle serait l’objet ! J’ai également des projets d’émissions radio et de documentaires pour la télévision. Il est important d’informer sur le devenir du livre et de la lecture ! "

jeudi 9 septembre 2010

Papier et numérique : laissons la porte ouverte aux complémentarités

J’ai le plaisir de participer modestement, via une interview, au premier numéro de la lettre (papier ;-) d’information, baptisée La Lettre, et lancée par l’association Culture Papier, présidée par Laurent de Gaulle qui en signe l’éditorial.
Cette première Lettre comprend également une présentation de l’association et de sa « volonté de projeter le papier dans un autre avenir plurimédia », avec une interview de Jean-Philippe Zappa, délégué général de l’association.

Extraits de mon interview :
« Comment vont évoluer, selon vous, le livre et l’édition dans les années qui viennent ?
Lorenzo Soccavo : Les principales tendances que nous observons depuis 2000 vont certainement aller en s’amplifiant. Nous allons vers une diffusion multicanal multisupport de livres numériques qui ne seront plus soumis aux mêmes contraintes que les livres papier. Le livre devient un média à part entière, et, comme nous avons tous aujourd’hui un téléphone portable, d’ici quelques années, nous aurons tous un dispositif nomade de lecture.
Nous assistons aussi à une véritable reconfiguration de la traditionnelle “chaîne du livre”, naguère linéaire et aujourd’hui, de plus en plus réticulaire, avec de nouveaux entrants issus d’autres cultures, en particulier celle du Web.
Quels sont les grands défis qui vont devoir être relevés ?
L.S. : Pour la première fois de son histoire, le livre est confronté à au moins trois mutations simultanées. D’abord, au niveau des pratiques de lecture et d’écriture, avec de nouveaux usages, de nouvelles générations de lecteurs natifs du numérique. Puis, au niveau des dispositifs de lecture, avec par exemple, parmi de nombreux autres, la tablette Kindle d’Amazon, l’iPhone et l’iPad d’Apple… Enfin, au niveau du marché du livre, avec l’émergence d’un marché du livre numérique. A court terme, les trois principaux défis à relever sont : l’évolution du droit d’auteur, l’adaptation du Code de la propriété intellectuelle aux nouveaux usages, et puis, l’invention de nouveaux modèles économiques adaptés à la nature immatérielle et duplicable des biens culturels numériques… »
Cette contribution va dans le sens de mes efforts pour rapprocher les professionnels de la filière papier et ceux du numérique et de la filière papiel émergente.

La Lettre Culture Papier (“Pour le développement durable du papier et de l’imprimé”) est disponible auprès de Culture Papier, 68 Boulevard Saint Marcel 75005 Paris – contact@culture-papier.org

samedi 7 août 2010

9 questions réponses sur le devenir de l'édition

Considérant que cet entretien que j'avais donné en juin dernier, pour son mémoire de fin d'études (Enjeux et stratégies de la modernisation de la chaine du livre) à une étudiante de l'ESARTS (Ecole Supérieure de gestion et de médiation des Arts), abordait les  principales interrogations actuelles sur le devenir de l'édition, j'ai pensé à le publier ici, en cette calme période estivale.
Bonne lecture et n'hésitez pas à le commenter :
" 1 - Depuis notre dernière rencontre, l’iPad a été lancé en France. D’après ses premiers résultats, pensez-vous qu’il puisse être considéré comme un nouveau dispositif de lecture, au même titre que le Kindle par exemple, et qu’il pourrait être en mesure de favoriser la lecture numérique, ou bien qu’il fait tout simplement partie d’une nouvelle génération de tablettes numériques qui relèvent davantage de l’ordinateur multifonction ?

Réponse : Nous n’avons à ce jour [début juin 2010] qu’encore peu de recul sur les usages, et sur les probables influences de l’iPad sur les pratiques de lecture. Les premières enquêtes aux USA sont conformes à ce que nous pouvions prédire apparemment, à savoir : que l’utilisation de l’iPad, comme dispositif de lecture de livres numériques (ebooks) et/ou de presse magazine, arrive en quatrième ou cinquième position, après la navigation sur le Web, le visionnage de vidéos, les jeux, etc.
Objectivement, nous n’avons pas encore, en juin 2010, le recul suffisant pour déterminer comment les utilisateurs adopteront les multiples fonctions de l’appareil et lesquelles ils privilégieront. Beaucoup va aussi dépendre des applications qui leurs seront proposées.
De nombreux éditeurs, pas seulement anglo-saxons, mais également français, ont tenu à être présents sur l’iPad dès sa mise sur le marché. Les questions qui sont alors soulevées sont celles de la politique tarifaire d’Apple, d’une part, des éditeurs, d’autre part, mais il est certain qu’il faut voir au-delà et envisager les comportements des utilisateurs et la pertinence des offres éditoriales.
La technologie d’affichage e-ink/e-paper, utilisée notamment par Amazon pour son dispositif Kindle et par Sony pour ses différents readers, est sans conteste bien plus adaptée à la lecture. Comparés à l’iPad, ces dispositifs, moins volumineux, sont davantage nomades. Ils restent lisibles à l'extérieur, et notamment en plein soleil, contrairement à l’écran LCD de l’iPad (même doté du système IPS – In-Plane Switching, qui améliore le contraste). Ils sont également moins onéreux. En revanche, ils sont moins “sexy”, entre guillemets : ils ne sont pas multifonction et ils ne permettent que la lecture, et en noir et blanc ! Mais l’encre électronique couleur devrait être commercialisable prochainement et, tant Amazon que Sony, adoptent une politique de prix et de diffusion offensive pour rester concurrentiels face à Apple sur le créneau de la lecture numérique. D’un autre côté l’iPhone 4 devrait être mieux adapté à la lecture ( ?).
Tous ces différents facteurs conjugués peuvent certainement doper le marché de l’édition numérique (ce qui est en partie différent du fait de : « favoriser la lecture numérique »).
A terme ce seront les générations de lecteurs qui trancheront…

2 - Antoine Gallimard a été élu à la tête du S.N.E depuis le jeudi 24 juin : quels peuvent être les changements de la politique du livre face au livre numérique suite à cette élection ? Peut-elle favoriser la création d’une plateforme de téléchargement unique de livres en France ?

Réponse : Pour ce qui est de la constitution d’une plateforme interopérable, la réponse est : oui. La profession n’a heureusement pas attendu l’assemblée générale du SNE et le système est déjà opérationnel depuis quelques jours. Il s’agit plus précisément d’une offre commune entre les différentes plateformes : Eden Livres, ePagine, ePlateforme et Numilog.
Pour le reste, il ne faut pas surestimer le rôle et l’influence du SNE. D’autres acteurs majeurs influencent également la politique du livre. Le travail des lobbies, que ce soit des professionnels de la filière graphique, d’une part, ou, d’autre part, des opérateurs de téléphonie mobile notamment, est également très actif.
Le SNE fédère 575 éditeurs, soit certainement moins de 50% des éditeurs français. Cela dit, ses 575 éditeurs représenteraient 75% du chiffre d’affaires du secteur, car les plus grands groupes, et notamment les numéros un et deux : Hachette Livre et Editis Planeta, y sont partie prenante.
Cela dit, l’édition numérique est incontestablement LE dossier prioritaire pour le nouveau Bureau du SNE qui définit ainsi ses missions : "Définir les conditions d'émergence d'une offre légale numérique attractive", "garantir l'interopérabilité de nos plateformes numériques", "défendre la propriété intellectuelle", "contrecarrer les ambitions inquiétantes de Google Livres", ainsi que le dossier "de la TVA à taux réduit applicable au livre numérique".

3 - Google annonce prochainement le lancement de Google Edition. Quels sont les intérêts du moteur de recherche à lancer sa librairie en ligne ? Comment les libraires et les éditeurs français peuvent-ils se rendre efficaces face à ce géant ?

Réponse : Les intérêts de Google sont naturellement financiers. Il s’agit pour Google de syndiquer autour de sa propre plateforme de livres numériques des partenariats et donc des liens commerciaux. Plus de 90% des revenus de Google sont publicitaires.
La réponse des libraires et des éditeurs français est de développer leurs propres plateformes et de les rendre interopérables entre elles. Mais, d’une part, il faudra voir vers où les utilisateurs lecteurs se tourneront, et, d’autre part, il faut avoir conscience, qu’à terme, des solutions franco-françaises ont peu de chances de perdurer, dans un marché du livre qui s’internationalise de plus en plus et est de plus en plus accaparé par les majors du divertissement (entertainment).
A mon avis, l’interprofession française du livre néglige de jouer la carte de la francophonie (notamment avec le Québec) et c’est un tort !
Google travaille sur des systèmes ouverts et également sur un projet de dispositif de lecture couplé à des solutions de cloud computing (“informatique dans les nuages”, c’est-à-dire en résumé que le livre numérique ne sera pas stocké dans le dispositif de lecture, mais, sur des serveurs extérieurs, auxquels le lecteur via son dispositif de lecture se connectera).
Alors qu’il apparaît difficile de trouver un modèle économique rentable pour le livre numérique, contaminé par le syndrome de la gratuité qui a gagné le web, on peut penser que Google prémédite de proposer un jour aux éditeurs de placer de la publicité dans leurs ebooks.

4 - En termes de contenus numériques, pensez-vous que l’enrichissement des textes est une possibilité à l’avenir ? A qui revient ce rôle ? Pensez-vous que créer des départements spécialisés dans l’enrichissement des textes numériques au sein des maisons d’édition soit une solution pour que l’édition française se maintienne en France ?

Réponse : L’enrichissement des textes existant en versions nativement imprimées, et notamment le patrimoine littéraire, pose de multiples problèmes, relevant de l’intégrité des œuvres et du respect du droit moral de leurs auteurs.