mardi 15 septembre 2015

Réflexion sur le devenir de la lecture

Soit la lecture va se fondre dans la spectacularisation du monde et l'artificialisation numérique et multimédiatique, soit elle va trouver une issue vers le haut grâce à de possibles convergences entre les intelligences artificielles et les neurosciences cognitives.
(Les nouveaux dispositifs de lecture et l'édition numérique montrant bien leurs limites triviales : ils n'ouvrent pas la voie du 21e siècle, ils ferment seulement la porte du 20e.)

vendredi 11 septembre 2015

Futur du livre et livre du futur

Envisager le futur du livre c'est imaginer le livre du futur
Je n'imagine pas le livre du futur comme un dispositif de lecture, mais comme une interface intelligente permettant l'expression de : "la puissance démiurgique de l'imagination humaine quand elle consent à l'immersion fictionnelle" (formulation d'Anne Besson, Constellations - Des mondes fictionnels dans l'imaginaire contemporain, p. 174, CNRS éd., 2015).
L'impératif sera alors de singulariser chaque lecteur de la masse, de la nasse anonyme du lectorat.
Dans l'absolu, un lecteur n'est, ni un acheteur de livres ou d'ebooks, ni le spectateur passif d'un spectacle.
Si livre du futur il y a un jour, il sera alors la conséquence d'une révolution du lectorat. Sans cela il n'y aura pas de futur du livre.
Le livre du futur ne sera pas un livre, mais un moyen de locomotion.
Après plus de quinze ans de veille quotidienne sur ces questions, je pense aujourd'hui que le futur du livre n'est pas numérique.
L'écoute de contes et de légendes, la lecture de romans imprimés, nous font toujours passer de l'autre côté du miroir plus efficacement que les gadgets électroniques.
Dans un environnement numérique, pour que le livre ait un futur, il faut le concevoir comme une fiction, pas comme un produit (c'est ce à quoi s'essayent les nouvelles écritures et le transmédia).
Nous attendons du livre qu'il devienne un catalyseur, qu'il accélère la réaction de la lecture dans l'espace mental du lecteur, notre jaillissement dans l'histoire, bien plus que son surgissement dans notre environnement quotidien.
Nous attendons des technologies du 21e siècle qu'elles nous fassent passer de l'autre côté du miroir, qu'elles nous donnent accès à la puissance des fictions.
 
En 2015 s'intéresser vraiment au futur du livre, c'est envisager comment les technologies émergentes et notamment la Grande convergence NBIC pourraient, non pas nous instrumentaliser, mais nous équiper pour que nous devenions de véritables lecteurs-fictionautes pratiquant la métalepse narrative comme méthode de lecture (Cf. Lire au 21e siècle et au delà...), c'est anticiper la révolution du livre sur le web immersif intégral, c'est prendre conscience de ce qui est à l'œuvre derrière le code du langage (Cf. Cette Chose derrière le Code), c'est ne pas s'accrocher coûte que coûte au réel, mais oser une perspective futurologique (Cf. Ne vous accrochez pas au réel).
Les futurs livres ne devront plus être des écrans, mais des fenêtres.
En 2015, si l'on veut parler décemment du futur du livre, il faut oser rêver le livre du futur !  
 

lundi 7 septembre 2015

Ne vous accrochez pas au réel !

il s'agit de débattre ensemble...
Note d'information : nous sommes pour la rentrée 2015 dans une perspective futurologique de conférences-débats sur les devenirs de la lecture, avec des thèmes innovants qui bousculent les consensus et les a priori, par exemple :
 
- Préhistoire et histoire des (nouveaux) dispositifs de lecture ;
- Des émergences du transhumanisme et des NBIC pour ouvrir de nouvelles portes à la lecture littéraire ;
- Le renouveau de la médiation documentaire numérique dans des environnements numériquement simulés ;
- Lire pour véritablement accéder à d'autres mondes ;
- La place des livres et de la lecture dans le Métavers ;
- Bibliocène vs anthropocène ;
- Les bibliothèques vont-elles disparaître ?

Ne vous accrochez pas au réel manipulé par les lobbyistes et les commerciaux, même lorsqu'ils sont déguisés en consultants.
Ce programme de conférences à la carte a pour objectif de vous aider à penser par vous-mêmes le futur du livre et le livre du futur.
Livres et lecture doivent rester des portes d'accès à l'imaginaire et ne pas devenir seulement des tuyaux pour les industries culturelles. Réfléchissez ! Osez !

jeudi 3 septembre 2015

Révolution du livre sur le web immersif intégral

 
A découvrir pour cette rentrée sur Viabooks cet article exclusif qui explique rapidement, sobrement et clairement, comment et en quoi le web immersif peut déjà enrichir la médiation numérique du livre et de la lecture, et ce, pas uniquement avec des librairies ou des bibliothèques 3D, mais aussi, mais surtout, avec des rencontres, des "cafés littéraires", des lectures de théâtre scénarisé avec des comédiens...
 
Et si vous souhaitez participer à l'expérience en cours de lecture théâtrale scénarisée en immersion 3D sur la plate-forme EVER (Environnement Virtuel pour l'Enseignement et la Recherche) de l'université de Strasbourg, inscrivez-vous gratuitement en cliquant ici...

samedi 22 août 2015

Comment suivre l'actu de la prospective du livre et de la lecture

En marge du Ray's Day 2015 voici comment suivre au plus près l'actualité de la prospective du livre, de la lecture et de l'édition.  
Tout d'abord dans la colonne de droite de ce blog vous pouvez accéder aux flux RSS des articles et des commentaires afin d'être aussitôt alerté des nouvelles publications.
Pour bénéficier sinon d'une partie de mon travail permanent de veille publique, je vous invite à me suivre sur Twitter :


L'actu de la prospective du livre sur Twitter = http://twitter.com/SoccavoL
 

Le Groupe de la prospective du livre et de l'édition sur Facebook
 

Pour toutes autres demandes, pour une veille professionnelle dédiée et confidentielle, ou pour des conférences sur le devenir et l'avenir de le lecture ou du livre et de son marché, merci de me contacter en message privé...


lundi 17 août 2015

Lire au 21e siècle et au-delà

Lire ce n'est pas seulement prononcer à haute voix ou mentalement des mots écrits. C'est aussi, c'est d'abord (car l'écriture du langage oral ne date que de 5400 ans au plus), pouvoir accéder au sens d'un texte et/ou d'un contexte.
 
Progressivement l'acquisition de l'écriture nous a fait oublier que lire était aussi lire, non pas uniquement ce que notre espèce écrit, mais aussi tout ce qui nous environne : décoder et documenter, tant notre environnement extérieur que notre vie intérieure.
La lecture est l'objet d'un apprentissage. Mais notre propos est ici d'envisager la lecture elle-même comme objet d'étude en prospective.
 
Les historiens et les linguistes se sont d'abord accaparés cet objet. Aujourd'hui la lecture est de plus en plus un objet d'étude pour les neurosciences cognitives.
Les historiens abordent surtout l'histoire du livre, et souvent par le petit bout de la lorgnette, avec par exemple des sujets comme celui-ci (imaginé pour ne viser personne) : "Fonds de la bibliothèque d'un notaire de province au XVIIIe siècle - L'Etude de Me Hilaire Pécuchet à Barneville-Carteret, Basse-Normandie - 1705-1720" (N'étant pas historien je ne garantis pas la plausibilité de la chose.). Je vous recommanderais plutôt "Une histoire de la lecture" d'Alberto Manguel. 
Les linguistes abusent d'un jargon qui tient éloigné locuteurs et lecteurs.
Les neurobiologistes découvrent progressivement les fondements programmatiques du langage et de la lecture (voir par exemple les cours au Collège de France de Stanislas Dehaene sur les mécanismes cérébraux de la lecture).
 
Une nouvelle méthode de lecture...
 
Dans la perspective qui est la nôtre, telle qu'exprimée précédemment dans un billet du mois de juillet : Cette Chose derrière le Code, étudier la lecture au 21e siècle, c'est envisager comment les technologies émergentes et notamment la Grande convergence NBIC pourraient, non pas nous instrumentaliser, mais nous équiper pour que nous devenions de véritables lecteurs-fictionautes pratiquant la métalepse narrative comme méthode de lecture.
 
Les développements actuels de la robotique m'incitent à penser que nous devrions faire le pari que des androïdes dotés d'intelligence hériteraient tôt ou tard de l'espèce humaine qui les aurait imaginés et créés la capacité fabulatrice, le besoin d'imaginer d'autres mondes possibles et de se raconter des histoires, qui est peut-être la seule dimension qui nous caractérise fondamentalement sur l'éventail du vivant.
Est-ce à dire que le transhumain sera lecteur, ou alors qu'il ne sera pas ?
Serait-ce là, la ligne de démarcation entre transhumain, et, post-humain ? La lecture ?

lundi 27 juillet 2015

Cette Chose derrière le Code

Le code concerne le vivant. Avec le numérique, notre attention endormie, depuis longtemps détournée par les artifices du langage, se retrouve éblouie comme un lièvre pétrifié dans le faisceau aveuglant des phares d'un camion lancé sur lui. Que se passe-t-il ? C'est la nuit et nous rêvons que nous sommes éveillés. Simulacre de réalité, ou réalité simulée... Nous tenons, dans notre sommeil, comme preuves de notre éveil, l'apparence des choses manufacturées, le monde artificiel que notre langage désigne comme la réalité. Une jungle, une végétation sémantique qui substantifie son propre lexique.
Car le langage excède l'humain. Le langage outrepasse ses fonctions cognitives, car en plus de structurer notre pensée et notre représentation du réel, il alimente notre perpétuel monologue intérieur. Etant notre intime, il ne peut être réductible à une simple mécanique, dans le sens où nous ne nous considérons pas nous-mêmes, humains, comme de simples machines.
Mais le langage est un code actif qui nous programme. Transformer des données en information, c'est leur donner forme, en les chiffrant en l'occurrence en base binaire. Que penser du fait que tout ce que nous produisons devienne des nombres ? Nous vivons depuis plus de deux millions d'années un rêve éveillé, emporté dans la dynamique virale du langage, en partie peut-être assimilable à la "grammaire générative" et au "module du langage" de Chomsky, pour lequel : "l'acquisition du langage n'est pas (ou du moins pas essentiellement) un processus d'apprentissage. Elle serait plutôt à voir comme l'exécution d'un programme informatique implanté dans notre cerveau dès notre naissance" (Cf. Piaget, Chomsky et la faculté de langage). 
Alors quel est le nom de la Chose qui programme ? Cela, sans nom, s'exprime par différents mots que nous lui substituons faute de savoir la nommer de son nom véritable. L'innommable, à un premier niveau, celui d'une inhumanité ; l'indicible, pour notre pensée langagière ; l'ineffable, au plan souverain.
Car la Chose est unique. Je n'évoque pas ici les choses, mais le code source.
C'est l'innommée, cette inconnue qui nous précède. La Chose codante est cette présence qui nous a précédés avant le langage et la pensée verbale, avant la réflexion et la conscience de soi.
S'il y a bien un "quelque chose qui existe sans signifiant précis : un objet perdu mais que l’on n’a jamais perdu et que l’on recherche", sa quête serait peut-être alors à l'origine du langage.
Le plus souvent nous restons limités par les métaphores anthropomorphiques.
La prospective de la lecture est directement concernée, car le jour où nos gadgets électroniques seront des fossiles, il sera trop tard pour essayer de comprendre comment nous aurions peut-être pu au 21e siècle, nous délier d'une lecture aliénante, comment nous aurions pu découvrir ce qu'était véritablement la lecture, et comment nous aurions pu lire (décoder) autrement le rêve lucide dans lequel nous étions, nous sommes, embarqués.
La période de l'écriture informatique et réticulaire, comme troisième écheveau sémiologique pour Clarisse Herrenschmidt et qu'elle fait débuter en 1936 avec la Machine de Turing (Cf. Les trois écritures, Gallimard, 2007, p. 387 et suivantes), nous garde (nous sauvegarde peut-être ?) dans l'artifice, le simulacre et la simulation. Or, "Du simulacre naît la simulation : c'est-à-dire l'expérience d'un futur réel au travers de ce qui en est montré - le simulacre - et l'action sur ce simulacre.". (Herrenschmidt). C'est là en quelque sorte de la prospective appliquée.
 

mercredi 15 juillet 2015

Des mots retrouver la grande sorcellerie

A l'aurore les mots étaient magie, parler était alors quelque chose et lire relevait d'une forme avancée de sorcellerie.
La reproduction à marche forcée (manuscrite d'abord, puis imprimée ensuite) et l'alphabétisation massive, nous ont fait perdre conscience de cela.
Maintenant il ne s'agit aucunement de le regretter. Chacun(e), de par sa dignité humaine, avait le droit d'accéder aux textes, et face à eux d'être alphabétisé.
Mais il nous faut maintenant nous ressaisir de cette formidable puissance originelle des mots, depuis longtemps pervertie par la communication de masse. 

dimanche 28 juin 2015

Sur La mécanique du texte de Thierry Crouzet

La mécanique du texte - Thierry Crouzet
J'ai lu d'une foulée La mécanique du texte de Thierry Crouzet et j'en recommande la lecture.
Cet essai, à mon humble avis, est intéressant, bien documenté et rigoureusement argumenté, même si au final il peut donner l'impression de reprendre simplement la vieille antienne rimbaldienne du "il faut être absolument moderne".

Car en effet, même s'il est fort probable qu' « avec chaque nouvelle technologie, de nouvelles possibilités rendent envisageables des œuvres autrement impensables », et qu'il est incontestablement pertinent d'avoir, comme il l'a fait, étayé son argumentation à partir de la formule de Nietzsche dans une de ses correspondances : « Notre outil d'écriture participe de nos pensées.», il me semble que nous restons là, à la fois, dans l'expérience personnelle (celle de Thierry Crouzet, même s'il l'illustre habilement de maintes références), et, justement, dans les sentiers tracés par des auteurs du passé. 
Et cela, l'air de rien, engendre un subtil décalage. Par exemple si, en ce qui me concerne, je suis réservé sur les "liseuses" et autres nouveaux dispositifs de lecture, c'est parce qu'ils sont encore très imparfaits, qu'ils contraignent voire contrôlent nos lectures, et s'apparentent souvent à une forme d'arnaque commerciale. Thierry Crouzet, lui, et contrairement à moi, aime bien les appareils électroniques, et sa réserve du coup se porte plus globalement sur les ebooks, qu'il présente comme : « une façon de contenir la modernité naissante ». Jolie expression qui fleure bon son 19e siècle ;-)
  
Deux points de vue
  
En octobre 2014 j'ai publié : Les Mutations du Livre et de la Lecture. Dans ce travail spontané j'ai cherché à attirer l'attention sur le fait que le numérique et ses codes actifs sont aussi du langage, et que ce que j'observais pourrait peut-être bien s'apparenter alors à une véritable évolution de notre ordre conceptuel et, par là, s'inscrire dans l'épopée de l'espèce humaine, au même titre que le langage et que l'écriture.
En désignant des marqueurs d'e-incunabilité, les arguments que je me suis efforcé d'avancer allaient, selon moi, dans le sens d'une reconfiguration du système rhétorique de notre espèce et d'une éventuelle entrée dans un nouvel âge, que je proposais de baptiser : le Bibliocène.
 
En fait, là où Thierry Crouzet voit une possible "révolution esthétique", je vois moi une "mutation cognitive".
Ni lui, ni moi, ne pouvons sans doute nous départager objectivement. C'est à d'autres je pense qu'il reviendrait de le faire, de faire la part des choses, de nos accords et de nos divergences, de là où peut-être nous nous complétons, et en quoi sinon nos discordances pourraient être profitables pour éclairer la période que nous traversons ?
 
A la lecture de l'essai de Thierry Crouzet j'ai été sensible à sa perception affective de la démarche d'auteur face à l'extrême contemporain. A un moment, au sujet du Web, de sa réalité de bibliothèque universelle, cette expression, par exemple, d' "extension mémorielle ad infinitum de l'homme connecté".
Mais j'ai bien l'impression que cela reste dans un rapport presque magique aux machines, à la modernité, à la technique, à la science aujourd'hui figurée par l'informatique.
Et l'humain ? Et la dimension spirituelle de l'humain, en particulier, et du vivant en général ?
 
En envisageant comme je le fais les actuelles mutations des dispositifs et des pratiques d'écriture et de lecture au niveau d'une fusion du narratif et du biologique (comme je l'évoquais récemment dans Redécouvrir la magie des mots), je sors du champ du livre pour penser au niveau de la lecture et du comment, comme le langage, elle influence notre perception et conditionne notre rapport à ce que nous appelons "réalité". Pour moi, il y a longtemps que la lecture est sortie du bois !
 

Si on cherche ses clés dans le cercle de lumière au pied du lampadaire, avec de la chance, on peut les trouver, mais on ne peut guère trouver... autre chose.
Et si cela semblait peu aimable de ma part, que l'on sache bien que, dans ce rapprochement de nos deux visions, je me compare à l'allumeur de réverbères de la cinquième planète (Cf. Le Petit Prince de Saint-Exupéry).
 
J'ai vraiment trouvé intéressant de constater qu'à la toute fin de son essai, Thierry Crouzet approche, entre les lignes, des voies que j'explore, et qu'aujourd'hui je pourrais formuler ainsi : le livre de demain comme un miroir de l'autre côté duquel le lecteur pourra passer (voir, entre autres, ici...).
 
Avec La mécanique du texte, Thierry Crouzet adopte le point de vue d'un auteur (plutôt technophile). Avec Les mutations du Livre et de la Lecture, j'adopte celui d'un lecteur (plutôt pas technophile, et potentiellement d'un chercheur). Deux points de vue différents (mais probablement en partie complémentaires).
 
P.S. du 1er juillet 2015 : une autre facette de ma lecture de cet essai sur Viabooks : Thierry Crouzet, le texte influencé par la technique...

mardi 23 juin 2015

Présentation de prototypes pour la médiation numérique du livre

Ces prototypes de librairie et de bibliothèque numériques sont développés sur la plate-forme web 3D immersive EVER [Environnement Virtuel pour l'Enseignement et la Recherche] de l'Université de Strasbourg, avec le logiciel libre opensimulator.




Dans le cadre du programme ML3D [Ma Librairie en 3D] nous testons également un "Métacafé Littéraire". L'idée est de reproduire à distance pour la francophonie l'ambiance et les possibilités d'échanges entre lecteurs et auteurs du monde physique...
 
L'exacte reproduction des conditions physiques d'une rencontre autour d'un auteur...
Des décors et des émotions semblables pour une expérience partagée unique !

lundi 1 juin 2015

Oser rêver le futur du livre, comme un futur magique !

A lire sur Viabooks : Redécouvrir la magie des mots, parce que "L'exposition "Magie, anges et démons dans la tradition juive", qui a lieu jusqu'au 19 juillet 2015 à Paris au Musée d'art et d'histoire du judaïsme, ne peut que faire écho chez toute personne sensible à la lecture et aux pouvoirs des mots."

 


Extrait : "Il faut aujourd'hui oser rêver le futur du livre, comme un futur magique. La mutation du système rhétorique, c'est-à-dire du programme d'influence du langage sur nos esprits, relève davantage de cet ordre de la puissance magique des mots, que de celui des simples dispositifs de lecture.
Algorithmes, métadonnées et big data, ne sont que les expressions contemporaines de forces antédiluviennes, des mots substitués pour désigner en fait des avatars, d'anges et de démons.
La vraie révolution du livre est ainsi ailleurs que dans les objets du numérique, car ce qui se joue n'a jamais été de l'ordre des machines, mais toujours de celui de la pensée et des mystères de la conscience du vivant.
Aujourd'hui la puissance des algorithmes, que des hommes écrivent, liée à la puissance de l'imaginaire humain, nous désigne comme de véritables magiciens dans l'ordre des substitutions analogiques qui rendent sensibles et plausibles les multiples réalités de l'univers. Ne parle-t-on pas de plus en plus de virtuel, de réalité augmentée et de réalités alternées ? Même si nous n'en tirons généralement pas les conséquences, nous savons bien que le langage que nous utilisons détermine notre perception du monde, comme l'exprime hypothèse Sapir-Whorf, depuis déjà les années 1930.
C'est cela aussi qui est écrit dans cette exposition au Musée d'art et d'histoire du judaïsme, pour celles et ceux qui savent lire au-delà des apparences.
Pourquoi alors, avec la puissance de programmation du numérique et les outils d'investigation des neurosciences, ne pas chercher à mettre au profit de l'édition, des auteurs et des lecteurs, cette force créatrice du langage ?
Par ignorance ou par peur peut-être. Beaucoup en vérité ont oublié que Gutenberg, avant de concevoir l'imprimerie, fabriquait des petits miroirs magiques pour les pèlerins."

vendredi 29 mai 2015

De Nouvelles Conférences en Prospective du Livre et de la Lecture

Si vous voulez entendre autre chose que ce que vous vous racontez déjà jours après jours depuis des mois et des mois avec vos collègues, un autre discours que celui de vos pairs, les nouvelles conférences orientées prospective du livre et de la lecture pourraient vous intéresser.
Deux grands thèmes :  
 
1 - Archéologie de l'ebook et de l'édition numérique
 
Tout a un passé qui éclaire ses tendances et influence son devenir.
Par exemple, les premiers projets de ce que nous appellerions aujourd'hui "bibliothèques numériques", datent de 1934 et 1945, et en 1770 l'auteur Louis-Sébastien Mercier imaginait "La bibliothèque du Roi en 2440".
Aborder les questions posées aujourd'hui par la mutation des dispositifs et des pratiques de lecture sous cet angle, réserve bien des surprises et ouvre l'esprit à des réflexions que la littérature de science-fiction a parfois anticipées.
Le sujet devient par ailleurs riche d'une iconographie renouvelée, au sein de laquelle je compte, par exemple, les "machines à lire" du créateur d'art brut Jean Perdrizet.
Un point de vue décalé pour prendre conscience que la pseudo-révolution de l'édition numérique vient en fait de (très) loin et que de tout temps les hommes ont cherché à améliorer leurs dispositifs d'écriture et de lecture.
 
2 - Lire pour accéder à d'autres mondes !
 
Aborder les problématiques posées par les apports du numérique sur la lecture profonde, la lecture immersive, c'est désigner l'enjeu crucial de ces prochaines années (notamment pour l'éducation).
La mutation de la lecture ne se joue pas tant au niveau de la métamorphose des supports et des dispositifs, que de celui de leur influence sur les pratiques. Pour éclairer le devenir de ces nouveaux usages (pas seulement sur tablettes, mais sur lunettes et montres connectées, ou par casques de réalité virtuelle...) nous pourrions presque déjà regarder du côté des technologies de bioconversion (à terme au niveau des nanobiotechnologies et du neurocognitif, en marge du transhumanisme).
Pour comprendre comment nous lisons et comment le numérique impacte nos lectures nous pouvons déjà nous référer aux recherches en neuroesthétique, ainsi qu'aux travaux de Stanislas Dehaene au NeuroSpin (centre d'imagerie cérébrale), de Maryanne Wolf au Centre de recherches sur la lecture et le langage de l'université Tufts, de Winfried Menninghaus de l'Institut d'esthétique empirique de Francfort, du Living Lab LUTIN "Laboratoire des Usages en Technologies d'information Numériques" de Paris...
Cette thématique "Lire pour accéder à d'autres mondes", qui propose de considérer les livres comme des mondes habitables, recoupe en partie les propos que j'ai récemment exposés dans le post "Vers une non-machine à voyager dans les livres" : c'est une invitation à l'exploration de l'espace mental du lecteur de fictions. Un voyage passionnant, illustré par des peintres et des auteurs, et que j'ai récemment évoqué lors de la séance de janvier 2015 du séminaire "Ethiques et Mythes de la Création" (Bibliographie naturelle et anthropocentrisme).
Un point de vue "dé-lirant" sur la lecture littéraire et une relecture de son histoire.
 
Nota bene
 
Ces propositions sont entièrement modulables en fonction, tant de votre structure, de ses missions et de ses objectifs, que de votre budget et de l'auditoire concerné. Je ne fais jamais deux fois exactement la même conférence.
Par ailleurs la proposition de conférence "Explorer un futur possible de la médiation numérique du livre" reste plus que jamais d'actualité.
Contactez moi ci-dessous en commentaires ou via l'onglet page "CONTACT".

samedi 16 mai 2015

Métaphore de la lecture

L'exercice de la métaphore, dont le synonyme naturel est "image", révèle l'ordre de substitution analogique du monde : c'est dans l'image que nous cheminons.
Ainsi, ma métaphore de la lecture littéraire serait ce transport-là : cette nacelle de montgolfière emportée au-dessus de l'océan, sous la voûte étoilée dans laquelle au loin brille la pleine lune.

Licence photo CC0 Domaine public
Et pour vous ? Quelle serait votre métaphore de la lecture ?

vendredi 8 mai 2015

Barthes, Foucault, Merleau-Ponty, Blanchot... en haruspices du texte

Dans Qu'aurait pensé Roland Barthes de l'iPad ? j'avance l'idée, peut-être pas inintéressante, que quelques intellectuels français du 20e siècle, Barthes, Foucault, Merleau-Ponty, Blanchot... auraient eu l'intuition des perturbations induites aujourd'hui par le numérique sur le texte et la lecture, notamment littéraire.
Qu'en pensez-vous ?
 
 
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lundi 4 mai 2015

Vers une non-machine à voyager dans les livres

Blog pour une littérature cyborg...
De plus en plus, de la veille technologique et prospective à laquelle je me consacre en permanence sur le sujet, bien précis, de l'évolution des dispositifs et des pratiques de lecture, se dessine et se précise un horizon temporel où il sera un jour possible aux lecteurs d'émigrer dans les histoires qu'ils liront, et également, mais à plus long terme alors je pense, aux personnages imaginaires des fictions de rejoindre notre monde et de se mêler à nous.
 
Postuler aujourd'hui, en 2015, la possibilité à moyen terme (50-70 ans) pour des êtres humains de voyager dans des univers parallèles fictionnels peut sembler relever de la plus pure science-fiction, mais il n'en demeure cependant pas moins évident que l'évolution actuelle du monde dit occidental ne permet plus d'envisager raisonnablement l'avenir de la lecture sur les rythmes et les modèles de son passé.
Pour l'instant, je resterai encore discret sur mes domaines d'investigation relatifs à ce sujet précis du "voyage dans les livres". Je dirai seulement que plusieurs éléments concordants m'incitent à penser qu'aucun dispositif exogène d'assistance à la lecture (tablettes évidemment, mais aussi casques à réalités virtuelles et à hologrammes, etc.) ne pourra nous permettre un jour de réellement progresser dans la connaissance des territoires de l'imaginaire, dans l'exploration et l'exploitation des ressources spatio-temporelles et affectives de l'espace mental du lecteur de fictions.
Je pense que la mutation de la lecture ne se joue pas au niveau de la métamorphose des supports et des dispositifs, mais qu'elle serait à rechercher du côté des technologies de bioconversion (au niveau des nanobiotechnologies et du neurocognitif, etc.).
Le cas Geneviève Dixmer / Pierre Bayard
 
Le monde de l'édition, autant finalement que celui des technologies contemporaines, semble bien peu soucieux d'accroître ses connaissances sur cette activité complexe qu'est la lecture, qui nécessite la maîtrise et la coordination d'opérations à plusieurs niveaux : neurophysiologique, cognitif, affectif, argumentatif et symbolique.
L'exemple du récent opus signé Pierre Bayard aux éditions de Minuit en témoigne à sa manière.
Intéressant et plaisant à lire, il n'en demeure pas moins que cet ouvrage se déploie dans la lignée de celui de 2013, Aurais-je été résistant ou bourreau ?, et non pas dans celle de celui de 2014, titré : Il existe d'autres mondes, et que, pour un prospectiviste du livre et de la lecture, cela est regrettable. 
L'essai de Pierre Bayard, malgré sa promesse, ne révèle pas comment véritablement "entrer dans un livre".
A noter toutefois qu'au-delà du simple jeu littéraire donc, on découvre en fait à sa lecture une excellente mise en pratique des propos de Frédérique Leichter-Flack (Le laboratoire des cas de conscience), une approche originale, didactique et illustrée par les dilemmes mis en évidence dans le roman de Dumas, et qui pose clairement le débat entre une "éthique des principes", et, une "éthique des conséquences". Rien que pour cela ce livre devrait être lu.
La réalité est un mille-feuilles. Pour le constater une nouvelle fois il suffit de se reporter aux nombreux éléments historiques dont nous disposons, et qui sont souvent plutôt contradictoires selon les sources. Par exemple, ceux concernant le sieur Alexandre Dominique Joseph Gonsse de Rougeville, dit le marquis de Rougeville et rebaptisé par Dumas "le Chevalier de Maison-Rouge", et concernant aussi ce fameux "Complot de l'œillet". Il suffit de lire (ou de relire comme je l'ai fait) le roman d'Alexandre Dumas (Le Chevalier de Maison-Rouge), la pièce de théâtre qui en fut tirée, puis de visionner le feuilleton télévisuel de 1963 qui émut tant (le feuilleton pas le livre, notons-le au passage) Pierre Bayard dans sa jeunesse (disponible sur ina.fr).
Dans ces récits parallèles devait se trouver la faille pour entrer dans l'histoire, quitte à la réécrire, un peu sur le modèle des fanfictions.
En se contentant d'une simple identification au personnage principal du roman, à la figure du héros, Pierre Bayard, à mon avis et d'après mes expériences personnelles, ne prend pas beaucoup de risques et ne fait guère avancer le schmilblick.
Même si l'ultime fin de son essai, habile, je le reconnais volontiers, revient effectivement à sauver Geneviève Dixmer, ce dont le héros romanesque avait lui été incapable, nous ne pouvons pas véritablement parler d'un passage de l'autre côté du miroir, mais seulement d'un plaisant exercice littéraire.
L'auteur ne suit guère les quelques exemples de métalepses (stratégies narratives par lesquelles un récit fictionnel peut dépasser ses propres limites spatio-temporelles) qu'il expose pourtant dans son premier chapitre comme étant des : "dispositifs de passage entre les mondes réels et fictionnels". A suivre...


samedi 18 avril 2015

Pourquoi La Chronique Quichotte ?

De légitimes interrogations s'expriment sur le pourquoi de la compilation de mes chroniques de 2012, publiée il y a quelques jours aux éditions Akibooks. Un extrait de l'avant-propos pourrait je pense y répondre :  
" Durant les cinquante deux semaines de l'année 2012 j’ai réfléchi sur ce que vous faites en ce moment même, à cet instant précis : lire.
Vous lisez.
Le titre que j'avais trouvé pour ce journal de l’année 2012 fut donc, dans un premier temps : ce que vous faites…
Il signifiait aussi [...] : ce que certains font, ou voudraient faire du livre et de la lecture à l’époque des industries du divertissement et de la connexion permanente. Mais finalement, à la relecture, j'ai trouvé ce titre pleurnichard et pas véritablement en phase avec le ton de mes textes. Ceux-là, écrits dans la foulée de mes humeurs, de mes indignations, révélèrent à ma propre relecture une autre dimension, à la fois glorieuse et mortifère, à la fois dans la lignée de Don Quichotte, « miroir et lumière de toute la chevalerie errante », et comme inscrite aussi dans la gravure de Dürer : Le Chevalier, la Mort et le Diable.
Mais La Chronique Quichotte, donc, je l'entends aussi différemment, je l'entends comme étant celle : « qui chotte ».
 
Ce spontané mouvement de pensée met au monde un nouveau verbe, ou Verbe nouveau, nous appelant tous à réfléchir moins pour penser plus, à formuler moins pour redéfinir plus, à être attentifs à la probabilité d'effectivité de l’hypothèse Sapir-Whorf, laquelle postule depuis les années 1930 que : « les représentations mentales dépendent des catégories linguistiques, autrement dit que la façon dont on perçoit le monde dépend du langage » (Wikipédia).
De quoi s'agit-il alors ici ? Du verbe Chotter, lequel signifiera : agacer par la pointe des mots les installés, les établis, ceux qui se font passer pour de débonnaires moulins à vent, qui brassent des mots qu'ils prennent pour des idées, qui brassent des papiers, des manuscrits des contrats, des gros chèques et des billets de banque, qui brassent beaucoup d'air mais qui sont en réalité des géants, des ogres affairistes et affairés, de perpétuels affamés qui font de l'éternelle et universelle République des Lettres leur grasse pitance quotidienne. Et non seulement ceux-là, mais aussi ceux qui tentent de se faire passer pour les gentils promoteurs d'un nouveau monde 2.0, pour y inoculer leur mentalité et leurs pratiques dans la sphère de l'édition numérique. Ce sont les pires peut-être, les plus hypocrites certainement.
 
J’avais donc décrété l’année 2012, année de la colère. [...] Le ton était donné cependant et l’année 2012 est ainsi passée. Durant ses cinquante deux semaines j’ai, tous les dimanches, mis en ligne sur le web un billet d’humeur [...]
Au final cela n'a rien d'un essai savant. Et c'est tant mieux. Je ne suis pas savant, je suis cherchant.
Le ton reste familier. Cela tient plus du journal, de la confession, des mouvements d'humeur, de mes émotions, de mes découragements parfois, toujours du besoin de partager.
Au début je pensais naïvement être suivi.
J'ai vite déchanté. Par exemple, ma chronique du 29 janvier, consacrée à quelques dangers de l'édition numérique, me fit perdre sans autre forme de procès la direction de la collection Comprendre le livre numérique que j'assumais depuis l'année précédente pour le compte d'un éditeur... numérique.
J'étais lu, les statistiques de mon blog en attestaient, de plus en plus au fil des semaines, mais j'étais aussi de plus en plus décrié et rejeté.
Je pointais d'un doigt accusateur ceux qui sont aujourd'hui en position de pouvoir orienter ou désorienter nos pratiques de lecture en décidant pour des raisons purement commerciales et des objectifs financiers à court terme des nouveaux dispositifs de lecture et de leurs usages, des conditions d’accès aux textes et à leurs utilisations, ceux qui n'ont pas le temps de lire car ils travaillent à gagner de l'argent et qui font passer le livre et la lecture derrière les intérêts de leurs actionnaires et de leurs héritiers.
Une liseuse ou une tablette connectées ne sont pas uniquement des moyens de lire. Ces dispositifs de lecture ne sont pas comme des livres qui se suffiraient à eux-mêmes. Ils sont en vérité les parties apparentes d’un système organisant et contrôlant aussi nos lectures. C'est pourquoi la plus grande vigilance m’apparaît nécessaire. C'est pourquoi j'en appelle ici à l'attention collective et à l'analyse.
Tout cela tourne autour de la prospective du livre, bien entendu [...] Je pense toujours que l'avenir du livre ne peut pas être son passé, mais, que si les outils numériques ne servent pas à l'émancipation des auteurs et des lecteurs, s'ils sont utilisés comme des armes technologiques contre eux, alors là il y a danger. Il faut alors le dire et s'y opposer..."
  
En complément Viabooks publie en exclusivité un très large extrait de la chronique du 15 juillet 2012...
« Rêveries sur le livre de demain, analyses sur les innovations en cours, interrogations sur le sens de la lecture... le lecteur trouvera de nombreuses lumières pour mieux comprendre la nouvelle révolution Gutenberg d'aujourd'hui. En exclusivité pour Viabooks, Lorenzo Soccavo a choisi un extrait qui évoque une vision futuriste des livres, miroirs de leurs lecteurs. ».
A lire ici...

Vous pouvez aussi découvrir des extraits et télécharger le livre sur Google Play...
 

lundi 13 avril 2015

Parution de La Chronique Quichotte, lecteurs et lecture face au numérique

J'ai la joie d'annoncer la parution de "La Chronique Quichotte", sous-titrée : "Journal 2012 sur le livre et la lecture face au numérique" aux éditions Akibooks de Jean-Luc Ménager.
  
Il s'agit là d'une compilation enrichie de mes chroniques d'humeur hebdomadaires écrites sur le vif et publiées sur ce blog de la prospective du livre tout au long de l'année 2012.
 
Coups de gueule à répétition contre : "les ogres affairistes et affairés, de perpétuels affamés qui font de l'éternelle et universelle République des Lettres leur grasse pitance quotidienne. Et non seulement ceux-là, mais aussi ceux qui tentent de se faire passer pour les gentils promoteurs d'un nouveau monde 2.0, pour y inoculer leur mentalité et leurs pratiques dans la sphère de l'édition numérique"... 
Ces chroniques sont plus que jamais d'actualité, d'autant qu'elles développent aussi une autre vision du livre et de la lecture, subjective et assumée comme telle. En arrière-plan la grande question est aussi de penser les conséquences de l’hypothèse Sapir-Whorf des années 1930, qui postule que : « les représentations mentales dépendent des catégories linguistiques, autrement dit que la façon dont on perçoit le monde dépend du langage ».
Informations et téléchargement sur le site des éditions Akibooks...
 
Le livre est également disponible sur iBooks ; Google Livres et Kobo...
N'hésitez pas à réagir ici même en commentaire ou à le critiquer sur Babelio, réseau social dédié aux livres.

samedi 11 avril 2015

La prospective du livre et de la lecture en quête de mythanalyse

Ma contribution au numéro spécial "En quête de Mythanalyse" pour la Revue internationale en sciences humaines et sociales, M@gm@  est en ligne ici :
Résumé
" La propagation plastique des mythes au sein des civilisations humaines et au fil du temps inscrit leur puissance mémétique dans la conscience des hommes. Nous sommes pris dans le filet tissé par l’évolutionnisme et le créationnisme, deux récits qui présupposent, pour le premier une loi immanente, pour le second une loi transcendante. Ce dualisme là est opérant, il bipolarise comme tout ce qui relève d’une double nature. La pensée mythique s’y originerait dans la faculté exceptionnelle du langage humain à se découpler du réel et à se référer à des réalités de l’espace intérieur et non plus du monde extérieur.
L’animal fabulateur qu’est l’être humain a toujours inventé des machines à produire des simulacres, les récits mythiques et les livres en sont. Or, ces technologies de l’illusion fonctionnent trop bien. Elles nous maintiennent dans la croyance que ce que nous appelons du nom de “Réel” serait dans les réalités extérieures.
Davantage qu’une matrice sémantique, le corpus mythique doit être envisagé comme une grossesse : un état transitoire entre un moment passé de fécondation, et celui, encore à venir de l’accouchement. Et là où la mythanalyse pourrait se concevoir comme une navigation pour remonter à la source d’un fleuve, la prospective de la lecture s’offre elle comme la quête d’un détroit de Magellan vers un océan intérieur : deux approches complémentaires pour les animaux fabulateurs que nous sommes. "

vendredi 27 mars 2015

Comment le poète Philippe Jaffeux interroge la prospective du livre

Une page de N L'ENIEMe (2013) de
Philippe Jaffeux (Trace(s)/Passage d'Encres) 
Pour François Huglo : "Les livres de Philippe Jaffeux précipitent leur lecteur dans un vertige lucide. L’apprentissage de l’alphabet a produit jadis, chez chacun, un effet comparable. Mais le numérique a changé la donne, pour le meilleur et pour le pire. Et le meilleur, c’est ce qu’invente Jaffeux. Il nous console de l’ordinateur comme la littérature nous console de l’ordre comptable et militaire des lignes d’écriture." (sur Sitaudis.fr).
Pour ma part je suis plus perplexe.
 
Je suis régulièrement sollicité et le plus souvent par des personnes en quête d'une plus large audience, mais qui n'ont visiblement pas pris la peine de s'informer de mon activité et du champ de mes recherches. Je n'ai pas eu l'impression que c'était le cas cette fois-ci et j'ai été d'emblée intrigué par l'écriture, l'énorme travail qu'avait dû demander une telle production, obsessionnelle et obsédante, autour des problématiques même de l'écriture, des lettres, de l'alphabet.   
   
La littérature et particulièrement la poésie numériques ont déjà une longue histoire, voir ici, ou voir là, entre autres... (puis voici une Timeline de la littérature numérique).
J'ai quelque peu abordé ces rivages ici même, lire par exemple "La plasticité du numérique au service de la poésie" de septembre 2010, et incidemment dans quelques autres billets...
 
Voici donc quelles ont été mes interrogations (restées sans réponses) face à l'œuvre de Philippe Jaffeux, et comment je les ai (maladroitement peut-être) formulées alors :
 
" - Votre écriture s'impose, par sa prolixité, sa compacité ; j'y ressens comme une insistance singulière à cristalliser le discours sur lui-même, un ferment de discours réflexif - comme l'on parle de conscience réflexive. Mais aujourd'hui, alors que nous traversons une période de mutations des dispositifs et des pratiques d'écriture et de lecture, ce véritable corpus textuel pourrait être, et conséquemment peut sembler avoir été généré par un algorithme, un programme informatique préalablement écrit, par vous, voire par une intelligence artificielle. Comment travaillez-vous ?

- Paradoxal, ce phénomène textuel que vous engendrez, à la fois bavard et opaque (d'après ma réception, ma perception subjective) résiste à la lecture. Derrière la linéarité de façade, il y a comme un mur à traverser pour le lecteur, puis une demeure à habiter. Déchiffrer, lire, c'est progressivement habiter un texte. J'ai repensé, en essayant de vous lire, aux performances de Jacques Donguy, par exemple. Comment voulez-vous ou comment pensez-vous être lu ?

- Est-ce là un acte de résistance de votre part ? Je veux dire quelques postures matamores ou donquichottesques d'un Homme-Poète face aux stratégies machinantes de l'industrialisation du livre et des loisirs, face aux mécanismes qui semblent triompher, qui, peut-être, triompheraient avec le passage d'une édition imprimée à une édition numérique ? Ou, au contraire, serait-ce pour vous un chant du cygne (ou du signe) de la poésie ? "
 
Plus prolixe dans un entretien à lire avec Emmanuèle Jawad sur Libr-critique, le "post-poète" s'explique : "L’emprise actuelle du numérique sur l’écriture favorise, à mon avis, un surgissement opportun des nombres. Mes textes tentent aussi de témoigner de cet état de fait. Je n’ai évidemment pas la prétention de faire quelque chose de nouveau mais j’essaye de porter un regard inédit sur des lettres antédiluviennes. L’intervention de l’ordinateur, l’utilisation des nombres comme une matière qui préexisterait aux lettres, me détache des traditions liées à la poésie graphique et peut-être même de la littérature… [...] Ma poésie ou mon antipoésie est numérique car, selon cette technologie, les lettres se réduisent à être seulement des nombres. Je travaille avec, et non pas contre, des machines qui, par conséquent, particularisent mon activité. Le terme de post-poésie aurait peut-être un sens à condition qu’il soit associé à celui de post-humain, c’est à dire, en ce qui me concerne, à une écriture générée en partie par les ordinateurs. Mes textes essayent d’évoquer un entrelacement entre le langage de l’électricité et celui de l’alphabet. L’énergie de mon travail est d’abord électrique car elle émane des ordinateurs. Mes nerfs éprouvent aussi du plaisir à être mis en éveil par le flux électrique de ces machines. Toute la dynamique de mes textes est soutenue par un alphabet électrique qui aspire surtout à être l’incarnation d’un mouvement, d’un élan transcendant et libérateur. Si les réflexions de Nietzsche sur Pythagore m’ont conduit à attribuer une valeur divine aux nombres, j’utilise aussi ces derniers comme les pièces d’un jeu qui essaient de traduire le lyrisme de l’électricité. Mon activité peut être définie comme une tentative de numérisation poétique et impersonnelle de l’alphabet...".
Intéressant, pas inintéressant dans tous les cas.
Et plus loin : "Comme dans le Zohar, les lettres précèdent la création de l’univers et induisent donc celle de l’homme et de la parole. Dans le même ordre d’idée, je pense que les lettres furent d’abord des traces, des dessins, des gestes qui précédèrent et déterminèrent l’apparition de la parole. Contrairement aux idéogrammes, aux hiéroglyphes, aux lettres arabes ou hébraïques, notre alphabet phonétique et utilitaire, domestiqué par nos paroles, a perdu toute relation avec le sacré. Mes efforts consistent souvent à me déporter dans les marges de l’écriture afin de révéler l’illisible et parfois l’inhumain. Dans un monde séparé du cosmos, mon écriture a besoin de basculer dans l’irrationnel et le divin. Le monstrueux et la démesure peuvent aussi contrecarrer cette carence. J’écoute la conscience de mon inconscient afin de venir à bout de la raison raisonnante, de la glose, des ratiocinations, de la pensée réflexive… Écrire Alphabet est aussi un moyen de révéler tout ce qui n’est pas lisible...".
 
En ne pouvant répondre à mes interrogations, Philippe Jaffeux interroge la prospective du livre dans sa dimension mythanalytique (telle que j'ai pu ici même l'évoquer à l'occasion de mes contributions pour la Société internationale de Mythanalyse, ou dans le cadre du séminaire Ethiques et Mythes de la Création).
Son abondante production textuelle nous questionne tous sur l'opacité des nouveaux paradigmes d'une littérature qui pourrait être générée par algorithmes, sur les multiples artifices qui surgiraient d'une transhumanité fantasmée et telle que s'en multiplient des échos science-"fictionnesques" sur la Toile. Nous pouvons y lire, par exemple, que : "Dans quelques années, vos livres préférés auront peut-être été écrits par des robots".
Que des robots puissent, par exemple comme je l'entendais dire récemment, jouer, voire composer, du Mozart, est aujourd'hui de l'ordre du possible, mais un robot pourra-t-il un jour être UN Mozart ?
Un algorithme peut générer des textes de toutes sortes, mais, un robot humanoïde pourra-t-il être un jour un nouveau Rimbaud, un Antonin Artaud AUTRE qu'Antonin Artaud ?
La question que je me pose est finalement tout simplement celle-ci : un algorithme peut-il écrire du Philippe Jaffeux ?
 
Aperçu de O L'AN/ de Philippe Jaffeux, Atelier de l'agneau éditeur, 2012

Vous pouvez vous faire votre idée en téléchargeant gratuitement Alphabet de Philippe Jaffeux au format PDF sur le site de SITAUDIS.

Question subsidiaire : une datamasse (données massives) purement poétique et virale reconfigurerait-elle à notre insu et en ce moment même la création poétique contemporaine (même imprimée) ?
 

vendredi 20 mars 2015

Vers une définition d'espaces qui restitueraient la lisibilité ?

Mes réflexions périphériques au prochain Festival des Arts ForeZtiers m'apportent une possibilité de tracer des voies vers l'espace mental du lecteur de fictions, espace intérieur, en partie de l'imaginaire et de ses non-lieux.
"... Cet espace singulier, nous pourrions le concevoir comme zone de tramage de deux autres environnements. Comme une zone d’interférences aussi, c’est-à-dire de superposition d’ondes en partie de même nature entre, d’une part, le monde extérieur à nous, et, d’autre part, ce que nous désignons comme étant notre monde intérieur, c’est-à-dire celui à partir duquel nous lisons le monde extérieur comme réel, et également notre monde dit « intérieur » comme imaginaire, ou, d’une quelconque façon, comme relevant de l’ordre de la simulation.
Une telle zone intermédiaire, médiane et médiatrice, pourrait en fait être à mi-lieu. Ni extérieure, ni intérieure, dans un entre-deux, dans l’interstice et le laps, la compénétration, là où ça ne coïncide plus vraiment et où un switch peut se produire, comme la simple action d’un commutateur qui rendrait l’interconnexion possible..."
 
Lire mes récentes contributions ici :

Le blog du Festival Les Arts ForeZtiers 2015