Cette première partie, La Grèce archaïque et classique : l'invention de la lecture silencieuse, de Jesper Svenbro, dans Histoire de la lecture dans le monde occidental pose également la question des destinataires de l'écrit.
Hier des auditeurs. Aujourd'hui des lecteurs. Et demain quoi ? Qui ?
Demain si l'écrit devient hypermédia... Des spectateurs ? Dans le sens de "Celui, celle qui est témoin d'une chose, quelle qu'elle soit, qui la voit des yeux du corps ou de ceux de l'esprit..." (Littré). Des joueurs ? Dans le sens de celui "qui prend un divertissement" ou celui qui (se) joue d'une histoire, comme d'un instrument de musique.
Une certaine convergence apparaît aujourd'hui de plus en plus probable, entre écriture hypermédia, 3D, et, jeux et univers dits "virtuels".
Un lointain parallèle serait-il aussi possible, entre ces "objets parlants" de l'époque archaïque (par exemple cette amphore sur laquelle nous pouvons lire : "Kleimachos m'a faite et je suis à lui") et l'Internet embarqué, les objets communicants d'aujourd'hui ?
Je me demande quelle tête aurait fait un Grec devant le lapin Nabaztag ;-)
Pour Jesper Svenbro, le jeu fictif de la représentation théâtrale aurait pu "structurer la nouvelle pratique de la lecture silencieuse [par] l'intériorisation de l'espace théâtral dans l'espace écrit.".
Quand nous plongeons dans la lecture d'un roman, nous lecteurs du 21e siècle, que faisons-nous d'autre sinon d'intérioriser l'espace écrit dans notre imaginaire ?
Peut-être le monde de la littérature et de l'édition devrait-il, en ce début de 3e millénaire, accorder davantage d'attention aux jeux vidéos.
Je le disais déjà en 2007 à Denis Failly dans le cadre des Entretiens du futur : "Les jeux numériques sont par ailleurs en train de faire émerger de véritables capacités narratives dans la jeunesse. Un art de fabriquer en quelque sorte des univers. Art qui n'est pas très éloigné au fond de celui des romanciers..."
A suivre...
On pourrait également citer la vague des CDRom culturels qui ont bien marchés dans la 2e moitié des années 90. Celui sur le Louvre s'était vendu à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires à travers le monde, mêlant images mais aussi voix, textes à travers une interface riche. Il y avait aussi le CDRom pour enfant, à la limite du jeu, adapté du livre « Alphabet » de Kveta Pacovska. Ou encore ce magnifique travail narratif mélangeant texte, photo, vidéo et son sur l'œuvre de Jean Jacques Rousseau :
RépondreSupprimerhttp://www.hyperbate.com/fiches/rousseau.html
Ce ne sont que des exemples d'expériences narratives marquantes mais il y en avait beaucoup d'autres, éditées notamment par Montparnasse Multimédia ou Hyptique et qui, ma foi, ne se vendaient pas trop mal à l'époque, malgré un équipement informatique encore peu démocratisé.
Je suis toujours assez surpris que tous ces travaux soient « oubliés » aujourd'hui lorsqu'on évoque l'avenir des livres sur support numérique, à travers le champs des interfaces multimédia (ou hypermedia).
Jean-Louis Fréchin, directeur de création chez Montparnasse Multimedia à la grande époque, avec qui j'ai un peu travaillé, pourrait vous en parler bien mieux que moi :
http://www.nodesign.net/
@ Christophe : merci pour ces apports, mais détrompez-vous, je ne pense pas que la profession ait oublié les productions de Montparnasse Multimédia, surtout celle sur le Louvre, je l'ai entendu évoquée plus d'une fois dans des discussions ou au cours de tables rondes...
RépondreSupprimerCe qu'il y a c'est que le support CDRom n'est pas/plus adapté aux nouveaux dispositifs de lecture, notamment en termes de mobilité et de confort de lecture. Mais il y aurait sans doute des enseignements à retirer de votre expérience (n'hésitez pas à intervenir sur ce blog ou à rejoindre mon réseau sur Facebook :-)
Le CDrom multimédia a été un des rares formats qui se soient imposé, mais malheureusement ça n'a pas duré. Ce qui est dommage c'est que le format ait été supplanté par des choses moins riches.
RépondreSupprimerJe suis loin d'être un expert en la matière mais je peux au moins témoigner qu'il y avait des ambitions et des moyens de productions colossaux : parfois 20 personnes travaillant à plein temps pendant plusieurs mois sur chaque projet (chef de projet, assistants, développeurs, designers, conseillers techniques, acteurs pour les voix, équipes de prod photos et vidéos, musiciens, rédacteurs, etc.) — avec une dizaine de projets simultanément en cours chez un même éditeur ! Et on hésitait pas à impliquer des pointures de ce qui allait devenir le design numérique dans certains de ces projets. Malgré tout, ça a tenu un moment mais lorsque internet s'est vraiment démocratisé, avec du contenu accessible sur à peu près tous les sujets, ça n'a plus tenu. Moteurs de recherches efficaces, contenu participatif, « gratuité » ou « petit prix », profusion, discussion, disponibilité immédiate, agrégation, et j'en passe.
RépondreSupprimerAujourd'hui, lorsqu'un éditeur qui vient du papier se contente de publier en numérique une partie de son catalogue en texte au kilomètre (j'exagère à peine), lisible sur une machine en noir et blanc, avec une valeur ajoutée très limitée, tout le monde crie hourra ;-) On n’attend plus la pépite, le travail d'orfèvre qui donnera toute sa dimension numérique à tel ou tel contenu, même si cela demande beaucoup de prod et suppose un prix de vente plus cher. J'ai la sensation qu'avant même que les livres numériques aient trouvé leur publique, ils ont déjà passés à l'ère industrielle, avec production en masse, « petits » prix et minimum de risques.
Je pense effectivement qu'il y a beaucoup d'enseignements à tirer de l'expérience CDRom 1996/2001, mais encore une fois, plein de gens sont plus informés que moi sur le sujet. Rassuré en tout cas que cela n'ai pas été totalement oublié chez ceux qui ont en main l'avenir du livre numérique.
J'écris vite et il y a sans doutes beaucoup de choses à argumenter, à préciser et même à contredire dans mon commentaire mais nul doute qu'il y aura l'occasion d'en discuter à nouveau ! En attendant, je file sur Facebook ;-)
Eh oui ! Mais, à l'avenir du livre numérique, s'oppose aujourd'hui l'économie du livre papier, ce qui, je le souligne, est légitime, compte tenu du fort enracinement culturel de l'interface du codex, d'une part, et, d'autre part, des milliers d'emplois en jeu.
RépondreSupprimerRaisons pour lesquelles je m'efforce d'informer (et si j'en avais l'occasion autrement que par des conférences, de former)les acteurs de l'interprofession du livre à la prospective du livre et de l'édition, discipline qui présente une dimension transhistorique très nette (je m'en explique dans mon Livre blanc sur ce sujet à paraître au cours du dernier trimestre...).
@ bientôt donc ;-)