J'ai pensé qu'il serait intéressant de partager ici parfois quelques-unes de mes notes et impressions de lecture.
Par exemple, j'ai commencé récemment une passionnante Histoire de la lecture dans le monde occidental (il s'agit d'un ouvrage collectif, sous la direction de Guglielmo Cavallo et Roger Chartier, disponible en Poche dans la collection Histoire Points des éditions du Seuil).
Dans la première partie, La Grèce archaïque et classique : l'invention de la lecture silencieuse, Jesper Svenbro (historien helléniste et philologue suédois qui dirige actuellement à Paris le Centre Louis Gernet du CNRS, consacré aux recherches comparées sur les sociétés anciennes) m'amène à découvrir que "le grec possède plus d'une dizaine de verbes signifiant "lire"...".
En vérité il faut, comme il le fait, relativiser cette nouvelle par "la diversité dialectale de la langue", ainsi que par "la période d'essai" de ces verbes lire.
Un peu comme nous nous retrouvons aujourd'hui avec une dizaine de noms pour désigner les nouveaux dispositifs de lecture !
Un peu comme nous nous retrouvons aujourd'hui avec une dizaine de noms pour désigner les nouveaux dispositifs de lecture !
De ces mots qui désignaient la lecture, celui qui me frappe le plus est némein, c'est-à-dire : distribuer.
La lecture, comme distribution (vocale) du sens dont le texte (écrit) est porteur.
En résumé :
Nous avions au commencement... le Verbe ;-) Le flux de la parole. Lorsque les écritures alphabétiques arrivèrent à maturité, leur finalité première fut d'être au service de la parole. Cependant, l'alphabet fige le flux de la parole dans une représentation graphique, inerte, même si elle en est le décalque. Dans son Histoire du livre (Armand Colin éd.), Frédéric Barbier nous rappelle que la séparation des mots n'est définitive qu'à partir du 12e siècle. L'écriture était jusqu'alors ce que les spécialistes appellent : la scriptio continua. Et il est évident que cette dernière ne peut qu'engendrer une lecture oralisée.
ouiilestbienevidenticiquecettedernierenepeutquengendrerunelectureoralisee
Ce petit exemple vous démontre que si tout mon post était rédigé en scriptio continua, de plus sans accents ni ponctuations comme cela était, vous seriez pratiquement obligés de le lire à voix haute.
Jesper Svenbro illustre également son propos sur la lecture reconnaître / déchiffrer par le célèbre DOUKIPUDONKTAN de Raymond Queneau.
Je me souviens alors que dans Une histoire de la lecture (Actes Sud éd.), Alberto Manguel nous signalait judicieusement que le dicton classique : Scripta manent, verba volant, soit, familièrement : "Les paroles s'envolent, les écrits restent", à son origine "avait été forgé à la louange de la parole, qui a des ailes et peut voler, par comparaison avec le mot écrit, silencieux sur la page, inerte, mort." (p. 77, collection Babel, 2006).
Les hommes ont ainsi très tôt enfermé la parole dans des livres de formes diverses et ils ont inventé ensuite des machines pour cela (imprimerie...). Ces lignes de Jesper Svenbro sur l'invention de la lecture silencieuse me donnent beaucoup à réfléchir. Si nous considérons les premiers caractères écrits comme des images dessinées, si nous prenons en compte la place de l'image justement dans les livres, des enlumineurs à l'industrie graphique du 20e siècle (sur cette longue aventure se référer entre autres au récent ouvrage de Roger Dédame, Les artisans de l'écrit, des origines à l'ère du numérique, Les Indes savantes éd.), nous ne pouvons pas ne pas penser que l'image s'est, elle, libérée, des livres. La peinture, la photographie, le cinéma, la télévision, la vidéo, la VOD...
Avec la numérisation, la diffusion multicanal multisupport hypermédia, les mots pourraient-ils à leur tour s'envoler ?
Un faisceau de signaux de plus en plus Net(s) (sic ;-) le fait penser (espérer ?).
Mais aussi, il est intéressant je trouve de constater que, dans la Grèce archaïque, comme dans l'Occident du 21e siècle, se posent les mêmes questions : de la compétence des lecteurs et de l'adaptation des dispositifs de lecture.
Jesper Svenbro illustre également son propos sur la lecture reconnaître / déchiffrer par le célèbre DOUKIPUDONKTAN de Raymond Queneau.
Je me souviens alors que dans Une histoire de la lecture (Actes Sud éd.), Alberto Manguel nous signalait judicieusement que le dicton classique : Scripta manent, verba volant, soit, familièrement : "Les paroles s'envolent, les écrits restent", à son origine "avait été forgé à la louange de la parole, qui a des ailes et peut voler, par comparaison avec le mot écrit, silencieux sur la page, inerte, mort." (p. 77, collection Babel, 2006).
Les hommes ont ainsi très tôt enfermé la parole dans des livres de formes diverses et ils ont inventé ensuite des machines pour cela (imprimerie...). Ces lignes de Jesper Svenbro sur l'invention de la lecture silencieuse me donnent beaucoup à réfléchir. Si nous considérons les premiers caractères écrits comme des images dessinées, si nous prenons en compte la place de l'image justement dans les livres, des enlumineurs à l'industrie graphique du 20e siècle (sur cette longue aventure se référer entre autres au récent ouvrage de Roger Dédame, Les artisans de l'écrit, des origines à l'ère du numérique, Les Indes savantes éd.), nous ne pouvons pas ne pas penser que l'image s'est, elle, libérée, des livres. La peinture, la photographie, le cinéma, la télévision, la vidéo, la VOD...
Avec la numérisation, la diffusion multicanal multisupport hypermédia, les mots pourraient-ils à leur tour s'envoler ?
Un faisceau de signaux de plus en plus Net(s) (sic ;-) le fait penser (espérer ?).
Mais aussi, il est intéressant je trouve de constater que, dans la Grèce archaïque, comme dans l'Occident du 21e siècle, se posent les mêmes questions : de la compétence des lecteurs et de l'adaptation des dispositifs de lecture.
A suivre...
Très intéressant vos articles. Rafraichissant et à porter de tout type de lecteur.Merci
RépondreSupprimerHélène
@ Hélène : Merci :-) N'hésitez surtout pas à intervenir en laissant des commentaires et/ou à rejoindre mon réseau sur Facebook si ces questions d'avenir du livre et de la lecture vous intéresse...
RépondreSupprimer